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Il était une fois la Méditerranée
Jacques Huntzinger Paris, CNRS Éditions, 2010, 272 p.
La Méditerranée est un espace propice aux rêves et aux mythes. Il était une fois la Méditerranée est une invitation à traverser les deux rives afin de découvrir combien le rêve méditerranéen empreint d’unicité côtoie les lignes de fractures religieuses, politiques et culturelles.
Méditerranéiste chevronné, secrétaire général des Ateliers culturels méditerranéens, Jacques Huntzinger s’emploie, à travers son essai, à nous conter l’histoire de cette Méditerranée mythique découverte au cours de nombreux voyages.
Véritable « concentré de fractures planétaires » selon l’Agence française de développement, la Méditerranée est au cœur des débats sur le fameux choc des civilisations. L’auteur rappelle que « la Méditerranée a été le point de départ, la matrice originelle du grand conflit civilisationnel entre Occident et Orient. » (p. 19). À cette Méditerranée fracturée s’oppose une Méditerranée des Lumières, cosmopolite, riche d’un patrimoine chanté par Fernand Braudel, Albert Camus et tant d’autres.
La mise en évidence d’une Méditerranée complexe donne naissance à ce que Jacques Huntzinger nomme la dialectique du conflit et de l’échange. A travers le chapitre consacré à la Méditerranée complexe, l’auteur tente de démontrer que la Méditerranée est le théâtre d’un conflit civilisationnel millénaire. Ainsi, la traduction des événements du 11 septembre 2001 et de l’attentat de Madrid en 2004 ne serait autre qu’une poursuite de l’Histoire. Admettre cette explication revient, non sans poser problème, à nier la contingence de l’Histoire et à en adopter une vision linéaire.
Est-il alors possible que les deux rives ne puissent jamais s’entendre ? Jacques Huntzinger évoque « une dynamique nouvelle de la convergence » pour qualifier les mutations observées dans les sociétés arabes.
Véritable laboratoire d’humanité, la Méditerranée sert ainsi de cadre de réflexion plus large sur la notion polémique de mondialisation culturelle. Jacques Huntzinger la définit comme « processus de la transformation culturelle qui s’opère au sein des mondes non occidentaux du fait de la rencontre et de l’échange qui s’opèrent à l’intérieur même de ces mondes entre leur culture spécifique et la « civilisation-culture occidentale », devenue désormais universelle, comme l’économie capitaliste » (p. 125).
L’assimilation entre mondialisation et occidentalisation suscite des interrogations. Il ne s’agirait pas pour autant, selon l’auteur, de mouvements d’uniformisation mais d’universalité culturelle. Confrontées à une complexité grandissante, les sociétés arabes transiteraient vers leur propre modernité. Jacques Huntzinger lie ainsi le développement du monde arabe à la présence d’une révolution culturelle endogène ainsi qu’à l’émergence d’un réel projet euro-méditerranéen. En effet, au-delà des simples partenariats économiques, la Méditerranée doit devenir un espace humain et politique par le biais d’un véritable dialogue sur des questions sensibles tels que le pluralisme religieux, la laïcité etc. Autrement dit, il s’agit pour l’auteur d’explorer la voie de l’interculturalité afin de pouvoir, à travers la reconnaissance de l’autre, écrire une histoire commune, celle des mémoires partagées. L’espace méditerranéen doit pour cela bénéficier d’un regain d’intérêt de la part des États membres de l’Union Européenne.
L’Union pour la Méditerranée est sans doute amenée à être relancée au regard des derniers événements qui se sont déroulés au sein du monde arabe. Le souffle de liberté et de lutte pour la démocratie qui s’est emparé de ces sociétés vient bousculer les partisans d’une vision linéaire de l’Histoire.