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Ideas, Interests and Foreign Aid
A. Maurits van der Veen Cambridge, Cambridge University Press, 2011, 290 p.
Cet ouvrage traite de questions apparemment simples : pourquoi les pays industrialisés mettent-ils en œuvre des programmes d’aide au développement ? Quels sont les facteurs qui déterminent la nature et l’ampleur de ces programmes, variables d’un pays à l’autre et d’une époque à l’autre ?
L’auteur, diplômé de l’université de Harvard, apporte des éléments de réponse basés sur une étude approfondie des politiques d’aide au développement de quatre pays : la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas et la Norvège. L’élément clé est l’analyse systématique et l’indexation quantitative de tous les débats législatifs relatifs à l’aide au développement dans ces pays durant la période 1955-2000. Cette démarche aboutit à la définition de sept catégories de concepts (ideas ou frames) qui sous-tendent les politiques d’aide au développement : la sécurité, l’influence stratégique, l’intérêt économique, l’intérêt général, la réputation, l’obligation morale et l’humanitarisme. Les concepts dominants varient d’un pays à l’autre (intérêt économique et obligation morale en Belgique, intérêt économique et réputation en Italie, humanitarisme et influence stratégique aux Pays-Bas, humanitarisme et réputation en Norvège, si l’on considère l’ensemble de la période 1955 – 2000), et varient dans le temps. Ils paraissent plus largement déterminés par la perception de l’identité nationale, et par l’histoire et l’actualité du pays, que par le contexte international.
L’auteur se livre ensuite à une analyse quantitative des programmes de développement effectivement mis en œuvre. Il distingue plusieurs variables, relatives au volume et la nature de l’aide d’une part, et aux pays receveurs de l’aide d’autre part. Il émet des hypothèses quant à la manière dont chacune de ces variables est influencée par l’application de l’un ou l’autre des concepts définis auparavant. Enfin, il vérifie, tests statistiques à l’appui, qu’il existe une corrélation entre la prévalence des concepts dans les débats législatifs à un moment donné, et les variables associées aux programmes d’aide au développement dans les années qui suivent. Ces observations valident son modèle initial, selon lequel ce sont les concepts présents à l’esprit des décideurs, davantage que des facteurs conjoncturels, qui déterminent les politiques d’aide au développement. Elles indiquent que des concepts non matérialistes, tels que la réputation ou l’obligation morale, peuvent avoir un poids significatif. En cela elles vont à l’encontre d’un postulat habituel et simplificateur selon lequel les motivations des programmes d’aide sont du ressort soit de l’altruisme humanitaire, soit de l’intérêt économico-stratégique.
Il s’agit là d’un travail universitaire rigoureux, exposé de manière technique mais didactique. L’approche méthodologique qui consiste à mesurer les motivations des décideurs, plutôt que de se contenter de suppositions à leur sujet, est novatrice et a le mérite de déboucher sur une grille explicative (voire prédictive) des politiques d’aide au développement plus fine que les grilles habituelles. Elle pourrait s’avérer transposable à d’autres champs d’étude en sciences politiques.