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Histoire du Proche-Orient contemporain
par Leyla Dakhli - Paris, La Découverte, 2015, 128p.
Le Proche-Orient est quasi constamment en Une de l’actualité internationale : conflits, crises et autres violences y font rage, tandis que la complexité des situations concentre attentions et intérêts, aussi bien des spécialistes que du public. Dans ce contexte, la lecture de l’ouvrage de Leyla Dakhli, chercheure au CNRS et spécialiste du monde arabe contemporain, apparaît tout à fait à propos, en ce qu’il replace les événements de ces dernières années dans leur logique historique.
Histoire du Proche-Orient contemporain est un opuscule de cinq chapitres qui entreprend de parcourir l’histoire récente de cette région. La fluidité de l’écriture en permet une compréhension claire. L’ouvrage consiste en une synthèse chronologique, qui commence avec le déclin de l’Empire ottoman et s’achève avec les révolutions de 2011, en passant par la période coloniale de l’entre-deux-guerres. L’auteur s’attache avant tout à relater l’histoire de la région à travers l’étude des mutations et des bouleversements qui ont pu affecter les sociétés tout au long du XXe siècle.
En ce sens, les soulèvements populaires qui ont débuté en 2011 ne viennent pas de nulle part. Ils dérivent des luttes qui ont jalonné tout le siècle dernier, depuis la grande révolte arabe de 1916, menée par les « Hachémites » contre l’Empire ottoman et le régime « tyrannique et sanguinaire » (p. 20) des jeunes Turcs, jusqu’à la première Intifada de 1987, qui a « diffusé des images de guérilla et a propagé le sentiment que se révolter contre l’injustice était à la portée de tous » (p. 78). L. Dakhli met donc les choses au point : les récentes révolutions ne sont pas – comme certains pourraient le penser – qu’agitations incohérentes secouant des pays constamment en proie à une anarchie qui leur serait naturelle. Elles ne sont pas coupées d’une réalité, voire d’une « filiation », historique mais s’inscrivent dans une lignée de volontés émancipatrices des populations, de combats pour la liberté et la justice. L. Dakhli aborde ainsi successivement le développement des mouvements féministes sur la base d’« un féminisme pluriel, inséré dans un combat plus global pour l’émancipation (nationale, arabe, régionale) » (p. 29) ; les nouvelles idéologies nationales ou transnationales (communisme, nationalisme mais également islamisme) qui émergent dans les années 1950-1960, période « d’âge d’or du nationalisme arabe » (p. 37), avec notamment les mouvements baasistes en Syrie et en Irak sans oublier l’Égypte de Gamal Abdel Nasser ; les nombreuses migrations et exodes forcés ou volontaires ; les luttes ouvrières et les luttes des paysans paupérisés et fragilisés par la rupture des équilibres territoriaux après la chute de l’Empire ottoman ; le rôle de la culture ; la place primordiale prise par l’armée qui devient dès les années 1950 un « acteur politique et social majeur » (p. 48), notamment en Irak et en Syrie. L’auteur s’attarde, d’une part, sur les moments déterminants de résistance et de contestation : la grande révolte palestinienne de 1936 à 1939, le « tournant politique et social majeur qu’a représenté l’année 1948 » (p. 51), aussi bien en Palestine que dans toute la région, la guerre civile au Liban, qu’elle analyse comme « l’un des moments les plus marquants de la mort des illusions arabistes de la gauche » (p. 68), etc. Elle revient, d’autre part, sur les tentatives de mise en place d’alternatives pour les sociétés et leurs États, alternatives qui se sont trouvées brisées par la montée des autoritarismes au lendemain de la défaite de 1967 face à Israël.
Ainsi, l’histoire contemporaine de la région, marquée par des guerres et conflits entre États et au sein même des sociétés, par des déplacements de populations et par d’importants mouvements de revendications, est surtout celle « de peuples sans cesse pris dans des logiques de survie ou de défense qui les empêchent d’accéder à nouveau à une expression politique propre » (p. 85). Ce survol synthétique, s’il replace les dynamiques en cours dans un contexte propre et une généalogie de luttes, mène à la conclusion qu’il faut aujourd’hui de nouvelles grilles d’analyse et de lecture pour les comprendre. Surtout, il importe de s’affranchir du classique point de vue territorial ou confessionnel, qui peut conduire à des analyses souvent réductrices, voire erronées, les réalités sociales étant bien plus complexes.
Histoire du Proche-Orient contemporain est un opuscule de cinq chapitres qui entreprend de parcourir l’histoire récente de cette région. La fluidité de l’écriture en permet une compréhension claire. L’ouvrage consiste en une synthèse chronologique, qui commence avec le déclin de l’Empire ottoman et s’achève avec les révolutions de 2011, en passant par la période coloniale de l’entre-deux-guerres. L’auteur s’attache avant tout à relater l’histoire de la région à travers l’étude des mutations et des bouleversements qui ont pu affecter les sociétés tout au long du XXe siècle.
En ce sens, les soulèvements populaires qui ont débuté en 2011 ne viennent pas de nulle part. Ils dérivent des luttes qui ont jalonné tout le siècle dernier, depuis la grande révolte arabe de 1916, menée par les « Hachémites » contre l’Empire ottoman et le régime « tyrannique et sanguinaire » (p. 20) des jeunes Turcs, jusqu’à la première Intifada de 1987, qui a « diffusé des images de guérilla et a propagé le sentiment que se révolter contre l’injustice était à la portée de tous » (p. 78). L. Dakhli met donc les choses au point : les récentes révolutions ne sont pas – comme certains pourraient le penser – qu’agitations incohérentes secouant des pays constamment en proie à une anarchie qui leur serait naturelle. Elles ne sont pas coupées d’une réalité, voire d’une « filiation », historique mais s’inscrivent dans une lignée de volontés émancipatrices des populations, de combats pour la liberté et la justice. L. Dakhli aborde ainsi successivement le développement des mouvements féministes sur la base d’« un féminisme pluriel, inséré dans un combat plus global pour l’émancipation (nationale, arabe, régionale) » (p. 29) ; les nouvelles idéologies nationales ou transnationales (communisme, nationalisme mais également islamisme) qui émergent dans les années 1950-1960, période « d’âge d’or du nationalisme arabe » (p. 37), avec notamment les mouvements baasistes en Syrie et en Irak sans oublier l’Égypte de Gamal Abdel Nasser ; les nombreuses migrations et exodes forcés ou volontaires ; les luttes ouvrières et les luttes des paysans paupérisés et fragilisés par la rupture des équilibres territoriaux après la chute de l’Empire ottoman ; le rôle de la culture ; la place primordiale prise par l’armée qui devient dès les années 1950 un « acteur politique et social majeur » (p. 48), notamment en Irak et en Syrie. L’auteur s’attarde, d’une part, sur les moments déterminants de résistance et de contestation : la grande révolte palestinienne de 1936 à 1939, le « tournant politique et social majeur qu’a représenté l’année 1948 » (p. 51), aussi bien en Palestine que dans toute la région, la guerre civile au Liban, qu’elle analyse comme « l’un des moments les plus marquants de la mort des illusions arabistes de la gauche » (p. 68), etc. Elle revient, d’autre part, sur les tentatives de mise en place d’alternatives pour les sociétés et leurs États, alternatives qui se sont trouvées brisées par la montée des autoritarismes au lendemain de la défaite de 1967 face à Israël.
Ainsi, l’histoire contemporaine de la région, marquée par des guerres et conflits entre États et au sein même des sociétés, par des déplacements de populations et par d’importants mouvements de revendications, est surtout celle « de peuples sans cesse pris dans des logiques de survie ou de défense qui les empêchent d’accéder à nouveau à une expression politique propre » (p. 85). Ce survol synthétique, s’il replace les dynamiques en cours dans un contexte propre et une généalogie de luttes, mène à la conclusion qu’il faut aujourd’hui de nouvelles grilles d’analyse et de lecture pour les comprendre. Surtout, il importe de s’affranchir du classique point de vue territorial ou confessionnel, qui peut conduire à des analyses souvent réductrices, voire erronées, les réalités sociales étant bien plus complexes.