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Hier la crise, demain la guerre ? La crise va-t-elle amener le monde au bord du gouffre ?
Pierre Pascallon, Pascal Hortefeux Paris, LHarmattan, 2010, 296 p.
La crise financière entraînera-t-elle la guerre mondiale ? Un désordre économique peut-il entraîner un désordre géopolitique ? La guerre est un phénomène géopolitique résultant le plus souvent d’un rapport de force entre plusieurs nations. La crise financière de 2008, elle, est souvent présentée comme une conséquence des excès d’une économie mondiale de marché financiarisée. Le lien entre les deux ne semble donc a priori pas naturel. Pourtant, les professeurs P. Pascallon et P. Hortefeux font apparaître une relation directe entre la « crise du capitalisme financier mondialisé sous domination américaine » et le risque de désordre géopolitique.
L’ouvrage analyse d’abord la période antérieure et postérieure à la crise, jusque 2030, sous le prisme de l’économie. Cette approche est la bienvenue car elle renouvelle l’analyse qui, souvent, se focalise sur la finance, le subprime et les erreurs du géant américain. La crise actuelle, démontrent-ils, correspond à la concordance de deux cycles économiques arrivés à leur apogée et qui, dès lors, ne peuvent que se retourner. Le premier est le cycle long Kondratieff, du nom de l’économiste russe qui, au début du XXe siècle, a démontré que chaque phase de croissance était suivie d’une période de retournement, chaque cycle ayant une durée de 50 ans environ. Cette cyclicité se vérifie depuis la révolution française. Le cycle ayant débuté en 1990 arrive donc naturellement à son apogée dans les années 2010 et l’économie subira une contraction jusqu’aux années 2030. Parallèlement, un cycle court, d’une dizaine d’années, a été présenté par l’économiste français C. Juglar. Le cycle long Kondratieff ne forme donc pas une courbe uniforme mais chaque hausse ou baisse connaît, elle aussi, des phases d’expansion et des phases de repli. La rigueur de l’analyse ne peut que susciter l’adhésion et apporte une vision renouvelée des ressorts de « la crise ».
L’ouvrage ne s’arrête pourtant pas à l’économie et, de manière assez surprenante mais tout à fait convaincante, les auteurs abordent la partie prospective de l’ouvrage, qui analyse l’après 2030, non pas avec les yeux de l’économiste mais avec ceux du géopoliticien, ce qui justifie pleinement la place de l’ouvrage dans la collection « Défense » de l’éditeur. La crise, en effet, marque la fin de la prééminence des États-Unis d’Amérique sur l’économie mondiale et, également, sur la géopolitique mondiale. Aux yeux des auteurs, la période 2010-2030 entraînera inévitablement une reconfiguration au profit d’un polycentrisme accompagné d’une résurgence du fait national notamment en Asie ou en Amérique latine. Dans ce monde multipolaire, l’Asie et en particulier la Chine semblent promis à occuper une place prépondérante. La Chine est ainsi « appelée à devenir la puissance rivale par excellence, l’adversaire majeur » des États-Unis, qui conserveront néanmoins une place importante (p. 195). Or, l’Histoire a souvent accompagné l’émergence de nouveaux acteurs de la nécessité d’une guerre afin de permettre « l’inéluctable recomposition des relations et des hiérarchies internationales ». La boucle est ainsi bouclée, la crise d’aujourd’hui risquant d’entraîner dans les années 2030 … la guerre. L’avènement du nucléaire, depuis 1945, change toutefois fondamentalement la donne, puisqu’une guerre nucléaire pourrait être synonyme de chaos planétaire. Peu convaincus par une possible dénucléarisation du monde, les auteurs proposent une analyse précise et détaillée des conséquences du développement du nucléaire militaire dans ce paysage économique et géopolitique en recomposition. On apprécie la richesse de l’analyse tant économique que géopolitique et le renfort de cartes et schémas des auteurs pour comprendre les enjeux de la crise actuelle.