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Gouverner le climat ? 20 ans de négociations internationales
par Stefan C. Aykut et Amy Dahan - Paris, Presses de Sciences Po, 2015, 749p.
Voilà le livre qu’il faut lire avant la COP 21, la vingt-et-unième Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, plus connue sous le nom de Convention de Rio 1992. Son volume peut effrayer : près de 750 pages, dont 80 d’une bibliographie foisonnante. Mais son exhaustivité est la garantie de comprendre toutes les facettes du « problème climatique », de ce « nouveau risque global » – pour reprendre le titre de la thèse soutenue en 2012 à l’EHESS par Stefan C. Aykut, sous la direction d’Amy Dahan.
Le jeune chercheur et sa directrice de thèse nous font découvrir le « régime » climatique, un système complexe d’arènes et d’institutions. La gouvernance onusienne est souvent résumée aux négociations menées par les États parties à la Convention de Rio, même si elle ne s’y réduit pas. C’est dans ce cadre qu’a été signé, en 1997, le protocole de Kyoto, qui fixe des objectifs chiffrés et différenciés de réductions d’émissions et crée des mécanismes flexibles – par exemple les marchés de droits négociables – pour les atteindre.
Les acteurs principaux sont, comme dans toute négociation internationale, les États, dont la stratégie des plus importants (États-Unis, Europe, BRICS) est analysée dans trois longs chapitres. Particulièrement stimulants sont les développements consacrés à la politique climatique aux États-Unis, qui résulte de la combinaison complexe de plusieurs facteurs : la politique intérieure – guerre idéologique entre démocrates écologistes et conservateurs climato-sceptiques –, la politique extérieure – réticence atavique des États-Unis à se lier par des engagements internationaux contraignants –, le mix énergétique – consommation de pétrole, de charbon et de gaz de schiste –, l’attachement inébranlable à un mode de vie et la croyance prométhéenne dans le progrès technologique, etc. Mais les États ne sont pas seuls dans l’arène climatique. Ils doivent ménager une place à la société civile et à ses organisations non gouvernementales. Ils doivent composer avec les experts, qui ont trouvé des modalités d’organisation originales à travers, notamment, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
Le bilan tiré de 20 ans de négociations internationales est amer. Spectateurs impuissants des COP successives – un chapitre entier est consacré aux espoirs excessifs (« Hopenhagen ») et à l’échec cinglant (« Flopenhagen ») de la COP 15 à Copenhague en 2009 –, les auteurs analysent une « fabrique de la lenteur » et un « schisme avec le réel » : les négociateurs se battent sur des virgules, tandis que la crise climatique « réelle, profonde et durable » (p. 11) n’est pas traitée. Ce constat désillusionné conduit S. C. Aykut et A. Dahan à prôner un « autre ordre de gouvernementalité ». Ils appellent de leurs vœux le désenclavement du « régime » climatique, qui devrait déborder de son cadre pour englober les questions agricoles, énergétiques, commerciales, etc. Les auteurs de ce manuel se muent ainsi en polémistes qui, pour enrayer une « catastrophe en train de se faire », se font les avocats « d’une métamorphose de notre modernité, d’une transformation globale des systèmes productifs, soit vers une modernisation écologique susceptible de préserver l’essentiel de nos modes de vie, soit vers la décroissance, contrôlée ou subie » (p. 16).
L’enjeu est trop grand pour être traité en un jour. La planète ne sera pas sauvée à Paris en décembre 2015. L’obnubilation de la diplomatie française pour cette échéance risque de faire naître des espoirs qui ne pourront qu’être déçus. Plus réalistes, S. C. Aykut et A. Dahan attendent de la COP 21 « qu’elle constitue un pas […] vers un nouveau régime climatique » (p. 645). On ne peut que leur donner raison.
Le jeune chercheur et sa directrice de thèse nous font découvrir le « régime » climatique, un système complexe d’arènes et d’institutions. La gouvernance onusienne est souvent résumée aux négociations menées par les États parties à la Convention de Rio, même si elle ne s’y réduit pas. C’est dans ce cadre qu’a été signé, en 1997, le protocole de Kyoto, qui fixe des objectifs chiffrés et différenciés de réductions d’émissions et crée des mécanismes flexibles – par exemple les marchés de droits négociables – pour les atteindre.
Les acteurs principaux sont, comme dans toute négociation internationale, les États, dont la stratégie des plus importants (États-Unis, Europe, BRICS) est analysée dans trois longs chapitres. Particulièrement stimulants sont les développements consacrés à la politique climatique aux États-Unis, qui résulte de la combinaison complexe de plusieurs facteurs : la politique intérieure – guerre idéologique entre démocrates écologistes et conservateurs climato-sceptiques –, la politique extérieure – réticence atavique des États-Unis à se lier par des engagements internationaux contraignants –, le mix énergétique – consommation de pétrole, de charbon et de gaz de schiste –, l’attachement inébranlable à un mode de vie et la croyance prométhéenne dans le progrès technologique, etc. Mais les États ne sont pas seuls dans l’arène climatique. Ils doivent ménager une place à la société civile et à ses organisations non gouvernementales. Ils doivent composer avec les experts, qui ont trouvé des modalités d’organisation originales à travers, notamment, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).
Le bilan tiré de 20 ans de négociations internationales est amer. Spectateurs impuissants des COP successives – un chapitre entier est consacré aux espoirs excessifs (« Hopenhagen ») et à l’échec cinglant (« Flopenhagen ») de la COP 15 à Copenhague en 2009 –, les auteurs analysent une « fabrique de la lenteur » et un « schisme avec le réel » : les négociateurs se battent sur des virgules, tandis que la crise climatique « réelle, profonde et durable » (p. 11) n’est pas traitée. Ce constat désillusionné conduit S. C. Aykut et A. Dahan à prôner un « autre ordre de gouvernementalité ». Ils appellent de leurs vœux le désenclavement du « régime » climatique, qui devrait déborder de son cadre pour englober les questions agricoles, énergétiques, commerciales, etc. Les auteurs de ce manuel se muent ainsi en polémistes qui, pour enrayer une « catastrophe en train de se faire », se font les avocats « d’une métamorphose de notre modernité, d’une transformation globale des systèmes productifs, soit vers une modernisation écologique susceptible de préserver l’essentiel de nos modes de vie, soit vers la décroissance, contrôlée ou subie » (p. 16).
L’enjeu est trop grand pour être traité en un jour. La planète ne sera pas sauvée à Paris en décembre 2015. L’obnubilation de la diplomatie française pour cette échéance risque de faire naître des espoirs qui ne pourront qu’être déçus. Plus réalistes, S. C. Aykut et A. Dahan attendent de la COP 21 « qu’elle constitue un pas […] vers un nouveau régime climatique » (p. 645). On ne peut que leur donner raison.