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Géopolitique du changement climatique
François Gemenne Paris, Armand Colin, 2009, 256 p.
La négociation climatique est encore jeune : à peine 20 ans qu’elle est apparue sur l’agenda politique international. La portée globale du réchauffement climatique, un phénomène qui par nature ignore les frontières et toute autre considération politique ou économique, en fait un terrain de coopération privilégiée, tout au moins a priori. Mais le sommet de Copenhague de décembre 2009 a démontré les limites du multilatéralisme sur ce dossier, et François Gemenne avait bien anticipé dans son ouvrage toutes les questions en suspens qui seraient difficilement surmontées à l’occasion de ce sommet à l’écho politico-médiatique retentissant. Contrairement à certaines idées reçues, la négociation climatique ne produit pas du consensus sous prétexte qu’elle concerne tout le monde. Lutter contre le réchauffement climatique implique des transformations importantes et rapides en matière de développement économique dans le but de stabiliser la concentration mondiale des gaz à effet de serre, les discussions se concentrent donc sur la nature et le degré d’efforts que chacun doit fournir. La Convention Climat de 1994 consacre le principe de « responsabilités communes mais différenciées », et établit en conséquence une distinction formelle entre pays en développement et pays industrialisés. Ces derniers sont en première ligne compte tenu de leur responsabilité historique pour fournir des efforts significatifs et soutenir les pays du Sud dans une logique de développement « soutenable ». Aujourd’hui, la situation est d’autant plus complexe que la question se pose de la responsabilité présente et future dans les émissions mondiales, nœud de crispation dans les relations des pays développés avec les « émergents ». Les intérêts et postures des uns et des autres sont aussi fonction de degrés différenciés de vulnérabilité aux conséquences du réchauffement climatique selon les pays et les régions.
L’ouvrage de François Gemenne dresse avec beaucoup de pédagogie et sur la base d’une documentation exhaustive un état des lieux des termes de la négociation – les différents dossiers et leviers d’action – et des éléments constitutifs du rapport de force politique – enjeux de développement, croissance économique et dimension sécuritaire de la question climatique. Il explique en quoi le changement climatique est ainsi devenu objet de politique internationale. Dans un premier temps sont exposées les données du problème : le constat scientifique, la répartition géographique et sectorielle des émissions ainsi que l’aperçu des impacts constatés ou attendus. Cet état des lieux permet d’appréhender la dimension sécuritaire et géopolitique du problème : celle-ci découle de la lutte en relations internationales pour l’accès aux ressources (alimentaires, hydriques, énergétiques, etc.). Ensuite sont examinés les mécanismes de coopération internationale existants, leurs portées et limites, et le jeu diplomatique qui en découle. Des encadrés thématiques et illustrations cartographiques complètent le tableau.
L’état de l’art en français sur le caractère géopolitique et stratégique du changement climatique en est à ses balbutiements, et en cela François Gemenne signe sans aucun doute un ouvrage de référence. Par ailleurs, il travaille plus particulièrement sur la question des migrations environnementales consécutives aux effets du changement climatique (sécheresses et pénuries d’eau prolongées, montée du niveau des eaux, évènements climatiques extrêmes, etc.), un sujet encore trop peu présent sur l’agenda stratégique des États. Peut-être l’objet d’un prochain ouvrage…