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Géographie militaire et géostratégie. Espaces et crises du monde contemporain
Philippe Boulanger Paris, Armand Colin, collection U, 2011, 304 p.
Philippe Boulanger nous propose un manuel abordant les questions géostratégiques et les derniers développements de l’analyse des conflits sous l’angle de la géographie. Pour ce faire, il adopte un plan en trois parties : la première plante le décor de l’ordre mondial contemporain en matière militaire et de défense ; la seconde traite des transformations de la guerre proprement dite, depuis les multiples formes des conflits armés jusqu’aux interventions de maintien de la paix ; la dernière s’attache à examiner thématiquement les enjeux majeurs de sécurité, du terrorisme à l’environnement. Abondamment documenté, présentant des chiffres d'une impeccable actualité, Géographie militaire et géostratégie fait œuvre utile et s’adresse tout particulièrement aux étudiants des classes préparatoires HEC ou Science Po désireux de compléter leur analyse de la mondialisation d’une initiation à son volet géostratégique. Les enseignants y trouveront des exemples détaillés illustrant les principaux thèmes traités et la matière pour des analyses de documents grâce aux nombreux tableaux et données brutes reproduites, ainsi qu’aux cartes (qu’on aurait cependant aimées plus nombreuses et plus globales, s’adressant à des débutants).
Si le genre du manuel, avec son orientation résolument didactique, présente des limites inhérentes en termes de profondeur de démonstration et d’analyse, on regrette cependant quelques simplifications pouvant donner lieu à des malentendus. C’est le cas de certains conflits ne faisant pas l’objet d’une étude de cas approfondie et simplement mentionnés dans le corps de la démonstration (mais pas en index !), comme le conflit colombien – la différence entre guérilla et paramilitaires n’étant pas clairement établie. Certaines problématiques font l’objet de la même simplification : ainsi, si l’auteur retrace de manière très utile la variété des définitions possibles du terrorisme, il présente la guerre contre le terrorisme comme une réponse à cette menace, laissant dans l’ombre les nombreux problèmes d’étiquetage découlant de l’apposition de cette dénomination à des groupes armés divers par des acteurs – en particulier au Pentagone – dont la position mériterait d’être davantage explorée. De manière plus générale, on aurait apprécié que les analyses de la puissance militaire et des usages contemporains des armées incorporent une réflexion sur les relations armées/sociétés, dans le cadre d’une présentation des transformations de la notion de sécurité.
L’insuffisance du cadrage théorique est en effet ce qui pénalise l’usage de cet ouvrage au style clair. Les enseignants l’utilisant comme manuel pourront trouver nécessaire de le compléter sur le plan des définitions des concepts mobilisés. L’objet n’est certes pas de présenter une somme des théories contemporaines sur les thématiques traitées, mais l’on regrette néanmoins que si peu de place soit faite aux différentes visions des thèmes abordés relatifs à la géostratégie et à la sécurité, sur lesquels il n’y a pas consensus entre les diverses écoles de pensée. L’ouvrage nous présente une vision très française de ces questions – pour réfléchir la puissance américaine, c’est ainsi le seul concept d’Hubert Védrine d’hyperpuissance qui est mobilisé –, et la bibliographie reflète ce choix.