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Français et Arabes depuis deux siècles. La « chose franco-arabe ».
Henry Laurens Éditions Tallandier, Paris, 2012, 128 p.
Depuis 1978, l’historien Henry Laurens a livré de nombreux ouvrages de qualité sur le monde arabe. Considéré comme un des plus grands spécialistes de cette région, l’auteur offre dans Français et Arabes depuis deux siècles, un texte riche et dense où chaque paragraphe pourrait être traité dans un ouvrage à lui seul.
Si aborder plus de deux siècles d’Histoire entre la France et le monde arabe est un exercice complexe, surtout dans le cadre d’un ouvrage court, force est de constater que le pari est réussi. L’auteur, actuel titulaire de la chaire d’Histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France, débute son livre par un extrait de la leçon inaugurale de Jacques Berque (en 1956), qui reste l’un des plus grands spécialistes français du monde arabe. Le cadre temporel, clairement défini pour cet ouvrage, s’étend de l’expédition d’Égypte en 1798 à nos jours. L’auteur aborde les évènements marquants de cette période en à peine 50 pages, ce qui est relativement peu, mais c’est justement l’ambition de ce livre. Une deuxième partie de l’ouvrage est quant à elle consacrée au rapport entre la métropole et l’empire colonial.
L’objectif principal n’est pas de mener une étude historique large de cette période, mais plutôt de synthétiser un travail d’historien de plusieurs décennies. Quel que soit le degré d’exigence ou de connaissance des lecteurs, ce travail offre une base historique nécessaire à la compréhension de la relation si particulière qui unit la France au monde arabe. Victime de représentations erronées, que ce soit au sein de la population française ou de la classe politique, les liens entre la France et le monde arabe sont profonds et parfois indissociables.
L’ouvrage, offre à la fois une profondeur historique ainsi qu’une approche analytique plus récente. Les deux derniers chapitres « la politique arabe de la France » et « la chose franco-arabe » sont particulièrement intéressants puisqu’ils offrent une analyse du sujet depuis l’avènement de la Ve République jusqu’à la présidence de Nicolas Sarkozy. Les approches de chaque président vis-à-vis du monde arabe sont abordées, au même titre que le sujet qui agite régulièrement la classe politique française, la question des immigrés arabes. C’est aussi cette diversité dans les axes traités qui accroît l’intérêt de ce travail d’historien. Dès lors, le seul reproche « injuste » qu’on pourrait faire à cet ouvrage est d’aiguiser notre appétit intellectuel et historique sur le sujet, en ne nous laissant pour autre choix que de se replonger dans les grands classiques de l’Histoire du monde arabe.
Dans un prolongement de la pensée de J. Berque, Henry Laurens conclut en affirmant que la « chose franco-arabe » est maintenant composée de cette part française de l’identité arabe et de cette part arabe de l’identité française. L’historien met donc toute sa connaissance dans la réorientation d’un débat biaisé qui a souvent présenté les identités française et arabe comme incompatibles. Il affirme même qu’il faut combattre les discours authentitaires qui, en croyant combattre l’autre, procèdent à l’appauvrissement de soi-même.
Dans une période de profonde mutation du monde arabe, cet ouvrage est l’occasion de se replonger dans des fondamentaux historiques.
Ainsi, à défaut de savoir à quoi ressemblera la relation entre la France et le monde arabe dans un avenir proche, il nous est possible de comprendre ce qu’elle fut pendant plus de deux siècles.