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Françafrique. La famille recomposée
par Fabrice Tarrit et Thomas Noirot (coord.) - Paris, Syllepse, 2014, 180p.
L’association Survie dénonce depuis une vingtaine d’années les errements de la Françafrique. Le mot, qui avait été forgé dans les années 1950 par Félix Houphouët-Boigny pour encenser la relation franco-africaine, a été retourné dans les années 1990 par François-Xavier Verschave. Dans La Françafrique. Le plus long scandale de la République (Paris, Stock, 1998), cet ancien président de Survie stigmatisait les pratiques néocoloniales de l’État français et la complicité des élites africaines. Après sa mort, en 2005, les membres de l’association ont poursuivi le combat. Présidée depuis 2011 par Fabrice Tarrit, elle produit, à travers ses brochures (sa lettre mensuelle, « Billets d’Afrique et d’ailleurs ») et ses livres (les Dossiers noirs), une analyse régulière de la politique française en Afrique, réservant ses attaques les plus incisives contre la responsabilité de la France dans le génocide rwandais et le scandale des biens mal acquis.
Publié l’an passé chez l’éditeur militant Syllepse, Françafrique. La famille recomposée rassemble, en trois parties, les contributions à la première université d’été de l’association, tenue en 2013. La première partie concerne la politique, la deuxième l’armée, la troisième les milieux économiques. Une même idée les traverse : la Françafrique n’a pas dit son dernier mot. Malgré la disparition des Foccart, Mitterrand et Bongo père, et en contre-pied du discours qui voudrait la reléguer dans les pages sombres de l’Histoire, Survie affirme que la Françafrique n’a pas disparu.
Cela vaut, au premier chef, chez les politiques. Survie a la dent dure avec François Hollande, dont elle dénonce les « renoncements ». Après avoir promis de rompre avec la Françafrique, le candidat socialiste en aurait embrassé les pratiques les moins reluisantes une fois installé au pouvoir. Les auteurs en prennent pour preuve le tapis rouge déroulé sans ciller à l’Élysée à la quasi-totalité des chefs d’États africains : Ali Bongo (juillet 2012), Blaise Compaoré (septembre 2012), Paul Biya (février 2013), Denis Sassou-Nguesso (avril 2013), etc. Cela vaut plus encore pour les militaires. L’opération Serval, lancée en janvier 2013, a relégitimé l’interventionnisme français en Afrique. Forts de leurs succès, les militaires décideraient désormais de la politique française sur le continent, forçant par exemple la main du président pour déclencher, un an plus tard, l’opération Sangaris en Centrafrique. Cela vaut, enfin, pour les entreprises. La thèse ici défendue n’est pas celle d’une « privatisation » de la Françafrique (Stephen Smith et Antoine Glaser, Ces messieurs Afrique, vol. 2, Paris, Calmann-Lévy, 1997), mais plutôt de sa transnationalisation et de sa financiarisation.
Il faut reconnaître à Survie une documentation fouillée et un suivi méticuleux de l’actualité franco-africaine. Cette association contribue, par la veille sourcilleuse qu’elle assure, à informer le débat. Mais elle le fait avec une outrance surannée dont elle commence à reconnaître elle-même le ridicule en invoquant son « obstination », voire son « passéisme » (p. 7). Aujourd’hui comme hier, elle est inspirée par une théorie du complot qu’illustre la figure de l’« iceberg », souvent utilisée par F.-X. Verschave : la politique africaine de la France aurait une face visible et respectable destinée à cacher sa face invisible et haïssable. À force de crier au loup, elle finit par se tromper d’adversaire : la critique de la politique de F. Hollande la conduit à encenser paradoxalement celle de Nicolas Sarkozy. On perçoit, derrière ses accusations réitérées contre une hydre toujours renaissante, qu’elle redoute d’être l’orpheline d’un système sans lequel elle perdrait sa raison d’être.
Publié l’an passé chez l’éditeur militant Syllepse, Françafrique. La famille recomposée rassemble, en trois parties, les contributions à la première université d’été de l’association, tenue en 2013. La première partie concerne la politique, la deuxième l’armée, la troisième les milieux économiques. Une même idée les traverse : la Françafrique n’a pas dit son dernier mot. Malgré la disparition des Foccart, Mitterrand et Bongo père, et en contre-pied du discours qui voudrait la reléguer dans les pages sombres de l’Histoire, Survie affirme que la Françafrique n’a pas disparu.
Cela vaut, au premier chef, chez les politiques. Survie a la dent dure avec François Hollande, dont elle dénonce les « renoncements ». Après avoir promis de rompre avec la Françafrique, le candidat socialiste en aurait embrassé les pratiques les moins reluisantes une fois installé au pouvoir. Les auteurs en prennent pour preuve le tapis rouge déroulé sans ciller à l’Élysée à la quasi-totalité des chefs d’États africains : Ali Bongo (juillet 2012), Blaise Compaoré (septembre 2012), Paul Biya (février 2013), Denis Sassou-Nguesso (avril 2013), etc. Cela vaut plus encore pour les militaires. L’opération Serval, lancée en janvier 2013, a relégitimé l’interventionnisme français en Afrique. Forts de leurs succès, les militaires décideraient désormais de la politique française sur le continent, forçant par exemple la main du président pour déclencher, un an plus tard, l’opération Sangaris en Centrafrique. Cela vaut, enfin, pour les entreprises. La thèse ici défendue n’est pas celle d’une « privatisation » de la Françafrique (Stephen Smith et Antoine Glaser, Ces messieurs Afrique, vol. 2, Paris, Calmann-Lévy, 1997), mais plutôt de sa transnationalisation et de sa financiarisation.
Il faut reconnaître à Survie une documentation fouillée et un suivi méticuleux de l’actualité franco-africaine. Cette association contribue, par la veille sourcilleuse qu’elle assure, à informer le débat. Mais elle le fait avec une outrance surannée dont elle commence à reconnaître elle-même le ridicule en invoquant son « obstination », voire son « passéisme » (p. 7). Aujourd’hui comme hier, elle est inspirée par une théorie du complot qu’illustre la figure de l’« iceberg », souvent utilisée par F.-X. Verschave : la politique africaine de la France aurait une face visible et respectable destinée à cacher sa face invisible et haïssable. À force de crier au loup, elle finit par se tromper d’adversaire : la critique de la politique de F. Hollande la conduit à encenser paradoxalement celle de Nicolas Sarkozy. On perçoit, derrière ses accusations réitérées contre une hydre toujours renaissante, qu’elle redoute d’être l’orpheline d’un système sans lequel elle perdrait sa raison d’être.