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Faut-il penser autrement l’histoire du monde ?
Christian Grataloup Armand Colin, Paris, 2011, 216 p.
Au point de départ de cet ouvrage de Christian Grataloup, géographe et professeur de géohistoire, se trouve un constat simple : depuis une vingtaine d’années, le monde occidental, centré sur les États-Unis et l’Europe, voit sa suprématie remise en question par d’autres pôles tels que la Chine, l’Inde ou encore le Brésil. Leur récit du monde se trouve également mis en balance, d’autant plus que le niveau traditionnel d’analyse, celui de l’État national, semble dépassé et non pertinent pour rendre compte des évènements actuels.
L’objectif de cet ouvrage est ainsi de proposer un cadre d’analyse de l’histoire qui ne soit pas adapté uniquement à l’histoire occidentale et racontée par les Occidentaux, mais à celle du monde, une histoire qui tienne compte de la géographie et des relations entre les différents espaces : en un mot, une « géographie de l’histoire » (p. 17).
Plus précisément, l’auteur remonte durant la période à laquelle se sont écrits les récits historiques occidentaux, aux xviiie et xixe siècles, écriture indissociable du processus de construction nationale, à la fois unificateur et exclusif, et qui pourrait se résumer par l’équation « une histoire sur un territoire ». C. Grataloup montre ainsi que ce n’est pas seulement le contenu historique qui a été façonné par l’Europe, mais également le découpage des périodes historiques – Antiquité/Moyen-Âge/Histoire moderne/Histoire contemporaine – modèle par exemple peu pertinent lorsqu’on évoque des civilisations telles que les Nazcas, les Polynésiens… D’ailleurs faut-il s’étonner que « le reste du monde n’entre en scène que vu d’Europe » (p. 118), à partir de sa « découverte » ? Que le découpage même en continents et leurs limites soient une production intellectuelle européenne, parfois bancale (comme dans le cas de l’Océanie) ? On s’aperçoit donc que l’ambition d’écrire une histoire du monde se heurte à un premier obstacle, la nécessité de s’extraire des cadres de pensée occidentaux et d’en construire de nouveaux adaptés à cette échelle globale. L’auteur note d’ailleurs que l’histoire économique a été pionnière dans la proposition de nouvelles grilles d’analyses, avec une pensée globale, liée à l’analyse du phénomène de mondialisation.
C. Grataloup pointe également une autre limite de ce cadre de pensée, corollaire de son découpage : l’histoire y est à la fois linéaire et progressiste, et les autres histoires sont jugées au regard de cette évolution. Si besoin en est, on rappellera la remarque fréquemment faite à propos de certains régimes politiques actuels qualifiés de « moyen-âgeux », comme s’ils étaient en retard sur la temporalité et le modèle occidentaux.
À la question Faut-il penser autrement l’histoire du monde ?, Christian Grataloup répond clairement par l’affirmative, dans le but d’écrire une histoire du monde, et non une histoire européenne du monde, qui a largement prévalue jusqu’à présent. Seul point faible de cet ouvrage, si l’auteur pointe bien les limites du récit historique dominant, ainsi que les difficultés liées à l’écriture d’une véritable histoire du monde, il ne donne qu’une vision en creux de ce que pourrait être cette histoire, sans véritablement se frotter à l’écriture même de ce nouveau récit.
L’objectif de cet ouvrage est ainsi de proposer un cadre d’analyse de l’histoire qui ne soit pas adapté uniquement à l’histoire occidentale et racontée par les Occidentaux, mais à celle du monde, une histoire qui tienne compte de la géographie et des relations entre les différents espaces : en un mot, une « géographie de l’histoire » (p. 17).
Plus précisément, l’auteur remonte durant la période à laquelle se sont écrits les récits historiques occidentaux, aux xviiie et xixe siècles, écriture indissociable du processus de construction nationale, à la fois unificateur et exclusif, et qui pourrait se résumer par l’équation « une histoire sur un territoire ». C. Grataloup montre ainsi que ce n’est pas seulement le contenu historique qui a été façonné par l’Europe, mais également le découpage des périodes historiques – Antiquité/Moyen-Âge/Histoire moderne/Histoire contemporaine – modèle par exemple peu pertinent lorsqu’on évoque des civilisations telles que les Nazcas, les Polynésiens… D’ailleurs faut-il s’étonner que « le reste du monde n’entre en scène que vu d’Europe » (p. 118), à partir de sa « découverte » ? Que le découpage même en continents et leurs limites soient une production intellectuelle européenne, parfois bancale (comme dans le cas de l’Océanie) ? On s’aperçoit donc que l’ambition d’écrire une histoire du monde se heurte à un premier obstacle, la nécessité de s’extraire des cadres de pensée occidentaux et d’en construire de nouveaux adaptés à cette échelle globale. L’auteur note d’ailleurs que l’histoire économique a été pionnière dans la proposition de nouvelles grilles d’analyses, avec une pensée globale, liée à l’analyse du phénomène de mondialisation.
C. Grataloup pointe également une autre limite de ce cadre de pensée, corollaire de son découpage : l’histoire y est à la fois linéaire et progressiste, et les autres histoires sont jugées au regard de cette évolution. Si besoin en est, on rappellera la remarque fréquemment faite à propos de certains régimes politiques actuels qualifiés de « moyen-âgeux », comme s’ils étaient en retard sur la temporalité et le modèle occidentaux.