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Faut-il juger George Bush ? Pleins feux sur un rapport qui dénonce la torture et l’impunité
Reed Brody Bruxelles, André Versaille, 2011, 124 p.
L’auteur de cet ouvrage, Reed Brody, est conseiller juridique et porte-parole d’Human Rights Watch (HRW) et Jean-Paul Marthoz, qui signe l’introduction, a été directeur européen de l’information de l’ONG. Leur ouvrage se compose de trois parties, de taille équivalente, et qui vont du plus large au plus particulier.
Dans l’introduction, intitulée « Le déshonneur des démocraties », Jean-Paul Marthoz situe la question – « Peut-on (…) juger des chefs d’État de pays démocratiques, dont les forces armées ou les services secrets se seraient rendus coupables, en toute connaissance de cause, d’actes de torture (…) ? » (p. 7) – dans un contexte historique (Dresde, Hiroshima…) et conceptuel (l’exceptionnalisme américain) plus large. Il décrit les convictions de l’administration Bush, préalables au 11-septembre, ayant conduit aux mesures mises en oeuvre à l’époque par cette dernière et le Congrès, comme le Patriot Act, envisagé lors de sa première adoption comme une loi d’exception, et pourtant reconduit en 2006 et 2011. Il explique en quoi il était à l’époque si difficile de faire entendre une voix contraire. Il dénonce la « rupture inachevée » (p. 31) d’Obama et pose la question de l’inévitabilité de la torture.
Dans la première partie, « Des ordres venus d’en haut – Pourquoi il faut enquêter », R. Brody explique notamment en quoi les actions menées par les services secrets américains, et contraires aux conventions de Genève, ont été le fait non pas d’individus isolés et trop zélés, mais d’un système mis en place par les plus hautes autorités de l’État, et cautionné par elles à travers les Torture memos. Il en analyse les conséquences au niveau international : « L’impact sur les droits de l’homme au niveau international est particulièrement grave quand le pays le plus puissant du monde, l’un des pays aussi qui a toujours voulu brandir le flambeau des droits de l’homme, décide et justifie ouvertement ces pratiques. » (p. 54). Il analyse en quoi il est pertinent de juger les responsables, au regard de l’évolution de la justice pénale internationale et des limites de la notion de couverture légale. Au-delà des poursuites pénales individuelles, il explique en quoi la mise sur pied d’une Commission indépendante est importante, et souligne lui aussi l’évolution du discours d’Obama depuis son élection.
La troisième et dernière partie, « Torture et impunité : l’administration Bush et les mauvais traitements infligés aux détenus », reprend les extraits les plus significatifs du rapport d’HRW publié en juillet 2011 et dénonçant les exactions commises au nom de la lutte contre le terrorisme. Y sont décrits les programmes de détention secrète et de rendition (transfert de détenus vers des pays connus pour leur pratique de la torture) menés par la CIA, ainsi que le recours étendu à la pratique du waterboarding. Le rapport détaille plusieurs cas individuels de prisonniers. Il liste les quatre principaux dirigeants responsables (le Président George W. Bush, le Vice-Président Dick Cheney, le secrétaire d’État à la Défense Donald Rumsfeld et le directeur de la CIA George Tenet), selon l’ONG, en expliquant en quoi les faisceaux de preuves sont suffisants pour engager des procédures judiciaires. Il fait état des procédures judiciaires ouvertes contre certains de ces anciens dirigeants, et d’autres, dans des pays occidentaux, au nom du principe de compétence universelle.
D’aucuns reprocheront par avance au livre son engagement. Ce serait lui faire un faux procès. À chacun son rôle. Et la démonstration est basée sur des faits, avancés avec précision et appréciés à l’aulne du droit international et, plus largement, pose la question de « ce qui constitue la nature même de la démocratie » (p. 11). Son organisation conduit parfois à quelques redondances, mais il est court, se lit facilement et, il est aisé d’y piocher ce que l’on souhaite, sans nécessairement tout lire.