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Europe : amour ou chambre à part ?
par Sylvie Goulard - Paris, Flammarion, Café Voltaire, 2013, 368 p.
Sylvie Goulard est de ces eurodéputés français qui, inlassablement, défendent l’Europe, à la différence de certains de ses collègues qui brillent par leur absentéisme ou qui se font élire au Parlement européen en prêchant leur hostilité aux valeurs qu’il incarne. Son dernier livre en date constitue pourtant une charge en règle contre l’Europe telle qu’elle fonctionne aujourd’hui. Dans son collimateur, la méthode intergouvernementale qui, depuis le traité de Lisbonne, gagne du terrain, au détriment de la méthode communautaire, trahissant ainsi l’idéal des Pères fondateurs. L’Europe s’est, en effet, construite sur le projet d’une union sans cesse plus étroite des Européens et non sur celui d’une banale coalition d’États. Le traité de Lisbonne et l’application qui en est faite méconnaissent cet héritage, en faisant du Conseil européen l’institution faîtière de l’Union. S. Goulard n’a pas de mots assez durs pour dénoncer cette dérive qui voit le Conseil européen, et donc les gouvernements nationaux, décider de tout durant de répétitifs «sommets de la dernière chance » dont la dramaturgie inutile ne trompe plus personne. Elle voit planer le spectre de la tyrannie dans l’irresponsabilité de cette instance qui ne rend de compte à personne. Les chefs d’États prétendent agir pour le bien commun? Ils répondent en vérité – et c’est logique – à des motivations purement nationales. C’est ainsi qu’il faut comprendre le titre de son essai : en prétendant unir ce qu’ils désunissent, les États nationaux vantent l’amour mais font chambre à part.
À rebours de la méthode intergouvernementale, S. Goulard instruit le procès en réhabilitation de la Communauté, un beau mot qui a hélas disparu du vocabulaire européen. Si le mot fédéralisme effraie certains – l’auteur, qui cite avec humour le cas de la Bavière, soutient pourtant que la participation à une fédération ne fait pas disparaître l’identité de ses membres –, S. Goulard propose de lui substituer celui, plus consensuel, de « République européenne » (p. 119). À l’heure de la mondialisation, les États sont menacés d’insignifiance. La France, en particulier, vit toujours dans l’illusion gaulliste de pouvoir imprimer sa marque aux affaires du monde. Elle imagine, à tort, que l’Europe sera pour elle un amplificateur de puissance. Ses élites nourrissent cette chimère, tout en affichant un euroscepticisme décomplexé par peur de perdre leur statut privilégié. Ainsi s’explique le mépris dans laquelle la France tient le Parlement européen, alors qu’il s’agit du creuset de la démocratie continentale.
L’eurodéputée se livre à un plaidoyer pro domo particulièrement convaincant. Elle estime que Paris considère l’institution strasbourgeoise comme une « poubelle », où elle relègue les ministres sans portefeuille et les recalés du suffrage universel direct, voire comme un « paillasson » (p. 93) qu’elle foule au pied, lui déniant les attributions constitutives d’une assemblée parlementaire digne de ce nom (le droit d’initiative législative, le pouvoir budgétaire, le contrôle du Conseil européen). Or, la France sous-estime l’attachement de ses partenaires à la démocratie parlementaire. Qu’il s’agisse de l’Allemagne comme du
Royaume-Uni, le Parlement y est le véritable lieu de pouvoir, duquel procède la légitimité populaire. Du coup, ces États envoient à Strasbourg des élus plus assidus, plus outillés et, au final, plus efficaces.
Le livre de S. Goulard procède d’une saine colère. Il ne s’agit pas d’une énième dénonciation du supranationalisme européen comme la campagne des élections européennes de juin 2014 donnera, hélas, l’occasion d’en entendre, mais d’une invitation à retrouver l’héritage des Pères fondateurs et à restaurer l’influence des institutions communautaires contre les égoïsmes nationaux.
À rebours de la méthode intergouvernementale, S. Goulard instruit le procès en réhabilitation de la Communauté, un beau mot qui a hélas disparu du vocabulaire européen. Si le mot fédéralisme effraie certains – l’auteur, qui cite avec humour le cas de la Bavière, soutient pourtant que la participation à une fédération ne fait pas disparaître l’identité de ses membres –, S. Goulard propose de lui substituer celui, plus consensuel, de « République européenne » (p. 119). À l’heure de la mondialisation, les États sont menacés d’insignifiance. La France, en particulier, vit toujours dans l’illusion gaulliste de pouvoir imprimer sa marque aux affaires du monde. Elle imagine, à tort, que l’Europe sera pour elle un amplificateur de puissance. Ses élites nourrissent cette chimère, tout en affichant un euroscepticisme décomplexé par peur de perdre leur statut privilégié. Ainsi s’explique le mépris dans laquelle la France tient le Parlement européen, alors qu’il s’agit du creuset de la démocratie continentale.
L’eurodéputée se livre à un plaidoyer pro domo particulièrement convaincant. Elle estime que Paris considère l’institution strasbourgeoise comme une « poubelle », où elle relègue les ministres sans portefeuille et les recalés du suffrage universel direct, voire comme un « paillasson » (p. 93) qu’elle foule au pied, lui déniant les attributions constitutives d’une assemblée parlementaire digne de ce nom (le droit d’initiative législative, le pouvoir budgétaire, le contrôle du Conseil européen). Or, la France sous-estime l’attachement de ses partenaires à la démocratie parlementaire. Qu’il s’agisse de l’Allemagne comme du
Royaume-Uni, le Parlement y est le véritable lieu de pouvoir, duquel procède la légitimité populaire. Du coup, ces États envoient à Strasbourg des élus plus assidus, plus outillés et, au final, plus efficaces.
Le livre de S. Goulard procède d’une saine colère. Il ne s’agit pas d’une énième dénonciation du supranationalisme européen comme la campagne des élections européennes de juin 2014 donnera, hélas, l’occasion d’en entendre, mais d’une invitation à retrouver l’héritage des Pères fondateurs et à restaurer l’influence des institutions communautaires contre les égoïsmes nationaux.