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Europa. La dernière chance de l’Europe
par Valéry Giscard d'Estaing - Paris, XO Editions, 2014, 192p.
Le titre du livre de l’ancien président de la République et la présentation qu’en fait son éditeur en quatrième de couverture sont trompeurs. Ils annoncent un appel à sauver l’Europe et des propositions concrètes. Or, l’ouvrage contient deux parties bien distinctes et d’inégale longueur, le projet baptisé « Europa » d’une régénération du projet européen autour d’un noyau dur de 12 États n’étant présenté que dans la seconde.
Dans la première, qui couvre les deux tiers du livre, Valéry Giscard d’Estaing brosse à grands traits l’histoire de la construction européenne. Cette relecture, émaillée d’anecdotes savoureuses, lui donne le beau rôle. À son époque, nous dit-il, « la trajectoire était rectiligne » (p. 23). Selon la méthode posée par Robert Schuman et Jean Monnet, la construction européenne progressait vers une intégration toujours plus poussée tirée par le couple franco-allemand. Tout se gâte à partir de 1981. La « ligne droite » devient « circulaire » (p. 75). Les motifs listés pour expliquer cet enlisement sont intéressants : d’abord l’évolution du contexte géopolitique, avec l’effondrement du mur de Berlin – qui entraînera plusieurs vagues d’élargissement – et la (ré)émergence de la Chine ; ensuite ce que l’ancien président appelle joliment le « dévergondage financier et bancaire » (p. 113) à l’origine de la crise de 2008 ; enfin, la « carence des dirigeants en place » (p. 40), qui n’hésitent pas à faire de l’Europe le bouc émissaire de leur impuissance. Ce processus délétère aurait pu être stoppé en 2003, nous dit-il. Pour remédier au « mauvais compromis de Nice » (p. 91), la Convention dont il assuma la présidence établit un projet de Constitution. On connaît les résultats du référendum du 29 mai 2005 en France. V. Giscard d’Estaing en a une interprétation radicale : les Français n’ont pas dit non à l’Europe mais à Jacques Chirac, qui doit donc porter la responsabilité de l’échec de ce projet.
Dix ans après, il est urgent d’agir. Volontiers pessimiste, V. Giscard d’Estaing invoque « l’imminence de la désintégration » (p. 15) : le peuple, qui vote de moins en moins aux élections européennes, est désillusionné ; les élargissements se poursuivent, menaçant de plus en plus l’unité européenne ; la disparité des croissances économiques creuse les écarts entre les pays acculés à la faillite, au premier rang desquels la Grèce, et l’Allemagne, qui n’acceptera pas éternellement de financer les errements budgétaires de ses partenaires.
La solution à cette crise a un nom : « Europa ». Il s’agit d’un projet de coopération renforcée – même si le terme n’est pas utilisé – regroupant 12 États : la Communauté économique européenne de 1986 sans le Royaume-Uni, le Danemark et la Grèce, mais avec l’Autriche, la Finlande et la Pologne. Ce projet pourrait se faire à droit constant, en poursuivant l’intégration économique au sein de la zone euro. Son contenu est à peine esquissé, à charge pour un « congrès des peuples européens », composé pour un tiers de députés européens et pour deux tiers de députés nationaux, de le préciser. V. Giscard d’Estaing se borne à préconiser le rapprochement des politiques économiques et l’harmonisation des taux d’imposition.
À 89 ans, V. Giscard d’Estaing continue à revisiter l’Histoire, mythifiant l’âge d’or de son septennat qui vit sans doute, grâce à l’amitié franco-allemande, des progrès notoires – l’élection des députés européens au suffrage universel direct, la naissance du système monétaire européen – mais connut aussi son lot d’erreurs – l’admission de la Grèce malgré les réticences de l’Allemagne. Et il ne désespère pas de la construction européenne, même si le projet qu’il avance n’a rien d’original – Laurent Wauquiez en avait formulé un similaire six mois plus tôt – ni rien d’enthousiasmant – l’engouement pour l’Europe renaîtra-t-il d’un projet d’harmonisation fiscale ?
Dans la première, qui couvre les deux tiers du livre, Valéry Giscard d’Estaing brosse à grands traits l’histoire de la construction européenne. Cette relecture, émaillée d’anecdotes savoureuses, lui donne le beau rôle. À son époque, nous dit-il, « la trajectoire était rectiligne » (p. 23). Selon la méthode posée par Robert Schuman et Jean Monnet, la construction européenne progressait vers une intégration toujours plus poussée tirée par le couple franco-allemand. Tout se gâte à partir de 1981. La « ligne droite » devient « circulaire » (p. 75). Les motifs listés pour expliquer cet enlisement sont intéressants : d’abord l’évolution du contexte géopolitique, avec l’effondrement du mur de Berlin – qui entraînera plusieurs vagues d’élargissement – et la (ré)émergence de la Chine ; ensuite ce que l’ancien président appelle joliment le « dévergondage financier et bancaire » (p. 113) à l’origine de la crise de 2008 ; enfin, la « carence des dirigeants en place » (p. 40), qui n’hésitent pas à faire de l’Europe le bouc émissaire de leur impuissance. Ce processus délétère aurait pu être stoppé en 2003, nous dit-il. Pour remédier au « mauvais compromis de Nice » (p. 91), la Convention dont il assuma la présidence établit un projet de Constitution. On connaît les résultats du référendum du 29 mai 2005 en France. V. Giscard d’Estaing en a une interprétation radicale : les Français n’ont pas dit non à l’Europe mais à Jacques Chirac, qui doit donc porter la responsabilité de l’échec de ce projet.
Dix ans après, il est urgent d’agir. Volontiers pessimiste, V. Giscard d’Estaing invoque « l’imminence de la désintégration » (p. 15) : le peuple, qui vote de moins en moins aux élections européennes, est désillusionné ; les élargissements se poursuivent, menaçant de plus en plus l’unité européenne ; la disparité des croissances économiques creuse les écarts entre les pays acculés à la faillite, au premier rang desquels la Grèce, et l’Allemagne, qui n’acceptera pas éternellement de financer les errements budgétaires de ses partenaires.
La solution à cette crise a un nom : « Europa ». Il s’agit d’un projet de coopération renforcée – même si le terme n’est pas utilisé – regroupant 12 États : la Communauté économique européenne de 1986 sans le Royaume-Uni, le Danemark et la Grèce, mais avec l’Autriche, la Finlande et la Pologne. Ce projet pourrait se faire à droit constant, en poursuivant l’intégration économique au sein de la zone euro. Son contenu est à peine esquissé, à charge pour un « congrès des peuples européens », composé pour un tiers de députés européens et pour deux tiers de députés nationaux, de le préciser. V. Giscard d’Estaing se borne à préconiser le rapprochement des politiques économiques et l’harmonisation des taux d’imposition.
À 89 ans, V. Giscard d’Estaing continue à revisiter l’Histoire, mythifiant l’âge d’or de son septennat qui vit sans doute, grâce à l’amitié franco-allemande, des progrès notoires – l’élection des députés européens au suffrage universel direct, la naissance du système monétaire européen – mais connut aussi son lot d’erreurs – l’admission de la Grèce malgré les réticences de l’Allemagne. Et il ne désespère pas de la construction européenne, même si le projet qu’il avance n’a rien d’original – Laurent Wauquiez en avait formulé un similaire six mois plus tôt – ni rien d’enthousiasmant – l’engouement pour l’Europe renaîtra-t-il d’un projet d’harmonisation fiscale ?