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Éthique des relations internationales
par Jean-Baptiste Jeangène Vilmer et Ryoa Chung (dir.) - Paris, Presses universitaires de France, 2013, 448 p.
La réflexion sur les questions liées à l’éthique des relations internationales, née dès le XIXe siècle dans le sillage du Projet de paix perpétuelle d’Emmanuel Kant, s’installe durablement dans le milieu universitaire anglo-saxon à partir des années 1980. Il faut pourtant attendre 2013 pour voir paraître un premier ouvrage francophone global sur la question.
Ce livre, qui fait figure de manuel, est l’œuvre de chercheurs canadiens et français qui souhaitent réaliser une présentation de cette discipline, de ses enjeux, de ses relations avec les autres matières et de ses déclinaisons. Il est divisé en 16 chapitres qui traitent chacun d’un thème particulier : théories de l’éthique, éthique des affaires, éthique de l’humanitaire, éthique de la guerre, éthique environnementale, etc. L’ouvrage amène à relativiser l’idée selon laquelle la conduite des relations internationales, et même la politique étrangère en tant que telle, s’oppose à l’éthique. Aujourd’hui, l’éthique et la morale sont partout.
Comment légitimer une intervention humanitaire ? une stratégie commerciale ? une opération de paix ? un tribunal international ? Comment atteindre une gouvernance internationale juste ? La recherche de justification morale est, en effet, constante, alimentée entre autres par l’émergence d’une sorte d’« opinion internationale », juge quotidien mais toujours imprécis des actions du monde. Ce sont surtout les sociétés nationales qui composent cette supposée opinion internationale, et qui expriment des exigences morales vis-à-vis des choix de la classe politique. L’émergence de problèmes multilatéraux (santé, environnement, migrations, etc.) pose une contrainte supplémentaire sur les politiques étrangères, qui ne peuvent plus se contenter de défendre les intérêts étatiques individuels. Plusieurs notions sont particulièrement intéressantes. L’idée d’une « éthique du moindre mal » peut ainsi nous renvoyer aux dilemmes qui se posent actuellement face aux crises syrienne ou irakienne. Un éventuel droit à la santé ou à la libre circulation remet en cause la politique d’accueil des pays développés vis-à-vis des pays en développement. De même, la notion de justice environnementale, qui appelle à une « responsabilité collective », se heurte à un partage pour le moment impossible du fardeau environnemental entre ces deux groupes de pays. Aussi, la multiplication des opérations de paix ne cache pas le fait qu’une certaine conception libérale de celles-ci est promue (démocratie, capitalisme), au détriment parfois de l’intérêt du pays ciblé et de son développement. L’actualité internationale regorge de ces questionnements éthiques, que l’ouvrage vient éclairer.
Au-delà de cette ouverture enrichissante vers de nombreuses réflexions normatives sur les relations internationales, l’ouvrage souffre d’un manque d’unité entre ses 16 chapitres, tous écrits par des auteurs différents, et d’un tropisme universitaire qui rend l’analyse par moment trop théorique. Il est pourtant clair que le propre de l’éthique dans les relations internationales est bien de comprendre que les choix en politique étrangère dépendent autant d’enjeux situationnels que de considérations morales a priori, les deux s’entremêlant. Il est finalement dommageable que cet ouvrage ne le mette pas plus en avant.
Ce livre, qui fait figure de manuel, est l’œuvre de chercheurs canadiens et français qui souhaitent réaliser une présentation de cette discipline, de ses enjeux, de ses relations avec les autres matières et de ses déclinaisons. Il est divisé en 16 chapitres qui traitent chacun d’un thème particulier : théories de l’éthique, éthique des affaires, éthique de l’humanitaire, éthique de la guerre, éthique environnementale, etc. L’ouvrage amène à relativiser l’idée selon laquelle la conduite des relations internationales, et même la politique étrangère en tant que telle, s’oppose à l’éthique. Aujourd’hui, l’éthique et la morale sont partout.
Comment légitimer une intervention humanitaire ? une stratégie commerciale ? une opération de paix ? un tribunal international ? Comment atteindre une gouvernance internationale juste ? La recherche de justification morale est, en effet, constante, alimentée entre autres par l’émergence d’une sorte d’« opinion internationale », juge quotidien mais toujours imprécis des actions du monde. Ce sont surtout les sociétés nationales qui composent cette supposée opinion internationale, et qui expriment des exigences morales vis-à-vis des choix de la classe politique. L’émergence de problèmes multilatéraux (santé, environnement, migrations, etc.) pose une contrainte supplémentaire sur les politiques étrangères, qui ne peuvent plus se contenter de défendre les intérêts étatiques individuels. Plusieurs notions sont particulièrement intéressantes. L’idée d’une « éthique du moindre mal » peut ainsi nous renvoyer aux dilemmes qui se posent actuellement face aux crises syrienne ou irakienne. Un éventuel droit à la santé ou à la libre circulation remet en cause la politique d’accueil des pays développés vis-à-vis des pays en développement. De même, la notion de justice environnementale, qui appelle à une « responsabilité collective », se heurte à un partage pour le moment impossible du fardeau environnemental entre ces deux groupes de pays. Aussi, la multiplication des opérations de paix ne cache pas le fait qu’une certaine conception libérale de celles-ci est promue (démocratie, capitalisme), au détriment parfois de l’intérêt du pays ciblé et de son développement. L’actualité internationale regorge de ces questionnements éthiques, que l’ouvrage vient éclairer.
Au-delà de cette ouverture enrichissante vers de nombreuses réflexions normatives sur les relations internationales, l’ouvrage souffre d’un manque d’unité entre ses 16 chapitres, tous écrits par des auteurs différents, et d’un tropisme universitaire qui rend l’analyse par moment trop théorique. Il est pourtant clair que le propre de l’éthique dans les relations internationales est bien de comprendre que les choix en politique étrangère dépendent autant d’enjeux situationnels que de considérations morales a priori, les deux s’entremêlant. Il est finalement dommageable que cet ouvrage ne le mette pas plus en avant.