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États-Unis : une nation divisée. Guerre culturelle et idéologique
Hans-Georg Betz Paris, Autrement, 2007
À l’heure où la campagne présidentielle bat son plein, il convient de s’interroger sur les divergences profondes entre Républicains et Démocrates et, plus précisément, entre les conservateurs et les libéraux aux États-Unis. Le thème de la religion comme principale raison de cette division a souvent été avancé, et développé dans de nombreux travaux récents. Mais l’ouvrage de Hans-Georg Betz se propose d’aller plus loin, et de mettre en relief une division culturelle, voire idéologique, entre deux Amériques. Au-delà des divergences politiques traditionnelles, au-delà même des croyances religieuses, sa démonstration tend à s’interroger sur la place de la morale dans les débats de société de la première puissance mondiale.
Ainsi, à une Amérique conservatrice et autoproclamée porteuse de valeurs « américaines », mettant en avant la religion et un patriotisme justifié par l’idée du messianisme de Washington, s’opposerait fondamentalement une autre Amérique, plus laïque, plus ouverte sur l’extérieur, mais également plus « progressiste », en défendant l’avortement, le mariage gay, ou l’interdiction du port d’armes. Deux mondes dont le fossé n’a fait que se creuser au cours des dernières années, sous l’impulsion d’une administration républicaine stigmatisant, lors des élections (l’exemple de 2004 est ici abondamment mentionné) les valeurs face à une Amérique en décomposition, presque décadente. Mais c’est également une Amérique en perpétuelle réflexion sur sa propre existence, oscillant entre la thèse controversée de Samuel Huntington Qui sommes-nous ? et les succès du métissage de Barack Obama qui est ici questionnée.
Ces divergences profondes provoquent une division qui dépasse largement les échéances électorales, et génère une incompréhension de l’autre de plus en plus marquée. Ainsi, les conservateurs reprochent souvent aux libéraux de mettre en péril la nation américaine, et ces derniers accusent les conservateurs de refuser de s’adapter aux évolutions des sociétés, au risque de faire des États-Unis une nation rétrograde, perdant ce qui a fait son succès : sa capacité à ouvrir la voie. Les débats débordent donc du monde politique pour s’inviter dans les cercles intellectuels, les grands médias et même le monde des spectacles. Chacun participe à sa manière à cette lutte fratricide aux conséquences incertaines.
Les résultats des élections récentes ne font que confirmer une tendance inquiétante. Entre une Amérique « rouge » des conservateurs, de plus en plus implantée dans les zones rurales s’oppose une Amérique « bleue » des libéraux, bien implantée dans les grandes agglomérations. Et le fossé est encore plus profond quand on y regarde de plus près. Ainsi, les Républicains des grandes villes sont, aux yeux de leurs congénères de la campagne, des libéraux, et les Démocrates des zones rurales sont souvent qualifiés de conservateurs. Et, nous explique H. -G. Betz, quel que soit le résultat de l’élection de novembre 2008, cette tendance risque fort de perdurer.