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Éloge du compromis
Par Henri Weber - Paris, Plon, 2016, 292p.
Éloge du compromis est un titre séduisant par les temps qui courent. L’ouvrage tente en fait de décrire l’évolution de la social-démocratie vers un nouvel équilibre, au sein d’une gauche composite où coexistent des approches héritées des différentes périodes du XXe siècle. Selon l’auteur, la recherche de cet équilibre a été la boussole ayant inspiré l’action du président François Hollande, à qui l’on a trop souvent reproché de naviguer sans ligne directrice.
Par définition, la social-démocratie consiste en l’art de réaliser un compromis avec l’économie libérale. La fin du XXe siècle a vu un « compromis défensif » face à la prise de pouvoir du capital financier et à la fin de la « centralité ouvrière ». Le « compromis d’adaptation progressiste à la mondialisation », qui caractérise son évolution depuis le début du XXIe siècle, doit désormais apporter une solution à la transformation des sociétés entraînée par la « révolution industrielle 4.0 ». Cette solution reposerait sur un néokeynésianisme « écologique et continental, s’appuyant sur une nouvelle vague d’innovations technologiques » (p. 98), dont les modèles allemand et suédois offrent la meilleure illustration. L’auteur apporte des développements intéressants sur la méthode, les succès mais aussi les limites de ces deux exemples : le plein emploi apparent et la croissance n’empêchent ni le chômage des jeunes – en Suède –, ni la montée de la précarité d’une partie de la population – en Allemagne. Surtout, le succès allemand, construit sur une restriction de la demande intérieure pendant les années 2000 et sur un déséquilibre des échanges commerciaux avec le reste de l’Europe, serait impossible à généraliser à l’échelle de l’Union : il faut que des pays soient en déficit pour que l’Allemagne soit excédentaire.
L’ouvrage résume ensuite l’action du gouvernement français depuis 2012, en montrant comment celui-ci a tenté de s’inscrire dans cette approche propre au « quatrième âge de la gauche ». Le plaidoyer est dans l’ensemble convaincant et honnête, même si certains arguments – comme le succès du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et du crédit d’impôt recherche (CIR) – laissent sceptiques. Si le bilan des mesures sociales est loin d’être négligeable, l’action gouvernementale s’est finalement heurtée à la réalité d’un dialogue social français rendu plus difficile par la vision conflictuelle d’un syndicalisme de gauche radicale, et dont l’affaiblissement nourrissait une crispation accrue, mais aussi par un patronat qui a cherché à pousser son avantage.
« Le nouveau compromis » proposé tardivement par François Hollande ne peut, selon l’auteur, réussir que dans un cadre européen reconstruit. Cette « stratégie différenciée de sortie de crise » repose sur une révision des politiques économiques nationales, et sur l’acceptation de la part de l’Allemagne de servir de locomotive de l’Europe par la relance de sa consommation et de ses investissements. Les propositions de réforme du cadre européen insistent sans surprise sur un budget commun accru, une banque centrale aux pouvoirs élargis et un véritable gouvernement économique. Mais sans doute conscient de la dimension utopique d’un tel programme, Henri Weber se résigne à envisager une intégration européenne à plusieurs vitesses. Rejetant le « gouvernement par la règle » qui caractérise aujourd’hui l’Union européenne (UE), l’auteur esquisse les voies d’une démocratisation des institutions.
En définitive, l’ouvrage représente une argumentation attendue de la social-démocratie, mais bien construite, claire et cohérente. Les sceptiques lui reconnaîtront au moins l’élégance intellectuelle de la nuance.
Par définition, la social-démocratie consiste en l’art de réaliser un compromis avec l’économie libérale. La fin du XXe siècle a vu un « compromis défensif » face à la prise de pouvoir du capital financier et à la fin de la « centralité ouvrière ». Le « compromis d’adaptation progressiste à la mondialisation », qui caractérise son évolution depuis le début du XXIe siècle, doit désormais apporter une solution à la transformation des sociétés entraînée par la « révolution industrielle 4.0 ». Cette solution reposerait sur un néokeynésianisme « écologique et continental, s’appuyant sur une nouvelle vague d’innovations technologiques » (p. 98), dont les modèles allemand et suédois offrent la meilleure illustration. L’auteur apporte des développements intéressants sur la méthode, les succès mais aussi les limites de ces deux exemples : le plein emploi apparent et la croissance n’empêchent ni le chômage des jeunes – en Suède –, ni la montée de la précarité d’une partie de la population – en Allemagne. Surtout, le succès allemand, construit sur une restriction de la demande intérieure pendant les années 2000 et sur un déséquilibre des échanges commerciaux avec le reste de l’Europe, serait impossible à généraliser à l’échelle de l’Union : il faut que des pays soient en déficit pour que l’Allemagne soit excédentaire.
L’ouvrage résume ensuite l’action du gouvernement français depuis 2012, en montrant comment celui-ci a tenté de s’inscrire dans cette approche propre au « quatrième âge de la gauche ». Le plaidoyer est dans l’ensemble convaincant et honnête, même si certains arguments – comme le succès du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et du crédit d’impôt recherche (CIR) – laissent sceptiques. Si le bilan des mesures sociales est loin d’être négligeable, l’action gouvernementale s’est finalement heurtée à la réalité d’un dialogue social français rendu plus difficile par la vision conflictuelle d’un syndicalisme de gauche radicale, et dont l’affaiblissement nourrissait une crispation accrue, mais aussi par un patronat qui a cherché à pousser son avantage.
« Le nouveau compromis » proposé tardivement par François Hollande ne peut, selon l’auteur, réussir que dans un cadre européen reconstruit. Cette « stratégie différenciée de sortie de crise » repose sur une révision des politiques économiques nationales, et sur l’acceptation de la part de l’Allemagne de servir de locomotive de l’Europe par la relance de sa consommation et de ses investissements. Les propositions de réforme du cadre européen insistent sans surprise sur un budget commun accru, une banque centrale aux pouvoirs élargis et un véritable gouvernement économique. Mais sans doute conscient de la dimension utopique d’un tel programme, Henri Weber se résigne à envisager une intégration européenne à plusieurs vitesses. Rejetant le « gouvernement par la règle » qui caractérise aujourd’hui l’Union européenne (UE), l’auteur esquisse les voies d’une démocratisation des institutions.
En définitive, l’ouvrage représente une argumentation attendue de la social-démocratie, mais bien construite, claire et cohérente. Les sceptiques lui reconnaîtront au moins l’élégance intellectuelle de la nuance.