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Elections and the Media in Post-Conflict Africa. Votes and Voices for Peace
Marie-Soleil Frère Londres, Zed Books, 2011, 352 p.
Aux débuts des années 1990 l’Afrique subsaharienne a connu une ouverture démocratique, voyant éclore une multitude de partis politiques en vue des premières élections libres. Dans le même temps, naissaient un peu partout des médias par milliers – presse, radio – et des journalistes s'empressant de rendre compte de ces changements, avec beaucoup d'enthousiasme mais un manque considérable de moyens, à tous les niveaux. Près de deux décennies plus tard, ce phénomène a été observé surtout pour ses dérives, en particulier le rôle que prennent certains médias africains dans les conflits, dans l’exacerbation de la haine et l’appel à la violence (notamment lors du génocide rwandais en 1994 puis en Côte d'Ivoire en 2002). Pourtant, les racines plurielles des mécanismes ayant conduit à ces dérives demeuraient assez mal mises en lumière, et il manquait aux lecteurs s’intéressant à la politique et aux questions stratégiques en Afrique une analyse éclairant aussi les dynamiques de paix.
C’est tout l’intérêt de l’ouvrage de poser une double problématique par rapport aux transitions démocratiques en Afrique : d’une part, celle du rapport entre démocratisation et processus électoraux, et, d’autre part, celle du rôle des médias dans la démocratisation. L’auteur complexifie en outre cette double problématique en s’intéressant uniquement à des pays sortant d'une guerre ou d’un conflit, et dans lesquels le processus électoral, tout comme le rôle que les médias sont susceptibles de jouer, sont attendus pour consolider la paix par l’avènement de la démocratie. Ces éléments réunis nous mènent au cœur de l'arc des crises africaines des années 1990 : l’Afrique centrale.
Marie-Soleil Frère est chercheur et professeur de journalisme à Bruxelles. Elle a effectué de nombreuses missions de recherche et de coopération technique, notamment auprès d’associations comme l’Institut Panos ou le Groupe de recherches et d’échanges technologiques (GRET), ou encore en tant que responsable des médias francophones à l’Organisation internationale de la francophonie. C’est dire que les données qu’elle a ainsi recueillies, son expérience de la coopération et sa connaissance de ce champ d’étude et de ses acteurs donnent à son ouvrage précision et rigueur.
Celui-ci est organisé de façon linéaire. Le premier chapitre dresse le panorama du processus électoral et du paysage des médias (presse, radio, autorités de régulation), dans chaque pays étudié – Burundi, Tchad, République centrafricaine, République du Congo, République démocratique du Congo et Rwanda –. Puis trois chapitres envisagent le rôle des médias selon une logique chronologique : dans la préparation des élections (notamment leur rôle d’information des citoyens sur le vote), pendant le vote (collecte d’information dans les bureaux de vote, couverture de l’ensemble du territoire national) et enfin, à l’issue du vote et lors de la proclamation des résultats. Toutes ces étapes mettent en scène les relations ambigües entre les médias et les partis politiques (notamment entre le parti au pouvoir et les médias d'État) mais aussi les obstacles socio-professionnels (manque de formation, de moyens matériels), économiques (financements insuffisants à tous les niveaux), et politiques (faiblesse des autorités de régulation). L’ouvrage démontre en revanche que les médias qui ont été abondamment financés par la coopération internationale en vue de favoriser la sortie de crise ont eu de réels avantages pour couvrir au mieux les élections. Il propose enfin des tableaux récapitulatifs (qui mettent en perspective, pour chaque phase décrite – préparation, déroulement et issue des élections – les rôles endossés par les médias et les interventions étatiques correspondantes) pour rendre compte de l’ensemble de ces défis relevés par des journalistes travaillant de plus en plus en synergie.