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Ebola. Histoire d’un virus mortel
Par David Quammen - Paris, Grasset, 2014, 221p.
Il était attendu que la dramatique épidémie de 2014-2015 liée au virus Ebola en Afrique de l’Ouest suscite de nombreuses productions éditoriales. Son caractère soudain, inédit dans cette région, la rapidité de sa progression et la possibilité de son extension hors du continent, notamment en Europe et en Amérique, ont propagé la stupeur à l’échelle planétaire. Ce livre, écrit par le grand reporter David Quammen, est une tentative de réponse à certaines questions ou plutôt à certains mystères profonds autour de ce virus. Le fil directeur de l’ouvrage est le terme de « zoonose », une maladie infectieuse qui est étudiée à partir de son contexte écologique car le pathogène est issu d’un passage de différentes espèces animales à l’homme.
L’ouvrage ressemble à une enquête journalistique, scientifique et policière cherchant à savoir où se cache le virus, quel est son réservoir, pourquoi et dans quelles conditions se transmet-il à l’homme et devient-il ensuite aussi mortel ? L’auteur commence d’ailleurs par narrer les expéditions qu’il a accompagnées à travers les forêts d’Afrique centrale, notamment dans le cadre d’un recensement des maladies affectant les gorilles, en 2006. L’on peut regretter, dans l’ensemble, un exposé assez peu construit, qui mêle récits personnels, découvertes scientifiques et anecdotes de terrain de façon peu hiérarchisée. Cela implique quelques répétitions et des allers-retours entre différentes flambées épidémiques, de 1976 à aujourd’hui, quoique l’épidémie de 2014 soit relativement absente, seulement traitée dans l’épilogue de l’ouvrage.
Pour autant, on retient deux thèmes transversaux. Le premier concerne la recherche sur les différents primates, menée dans les forêts par des acteurs internationaux comme le Center for Disease Control américain et le Centre international de recherche médicale de Franceville (CIRMF) au Gabon. Ces recherches impliquent des récits épiques d’expédition de collecte d’excréments et de carcasses, et rappellent les dangers de la vie de laboratoire, au vu du nombre important de chercheurs ou d’assistants décédés. Deuxièmement, le rôle négatif, accélérateur dans la diffusion du virus, des structures sanitaires et en particulier de certains hôpitaux : dans le cas de l’épidémie de 1976, l’hôpital de mission de Yamboukou – aujourd’hui en République démocratique du Congo – a fini par fermer « pour la sinistre raison que tout le personnel était mort » (p. 46). Idem en 1995 à Kikwit, dans le même pays. Rappelons qu’à Monrovia (Liberia), certains hôpitaux ont dû fermer en septembre 2014, au pic de l’épidémie Ebola, pour les mêmes raisons d’impuissance face au risque de contamination pour les soignants.
Le livre montre bien combien la santé publique en Afrique se situe à la jonction entre, d’une part, les crises sociales, économiques, environnementales et écologiques au niveau local et régional, c’est-à-dire la façon dont les populations sont rendues vulnérables aux contaminations via les animaux, et d’autre part, les liens étroits entre ces situations et les enjeux internationaux de la recherche virologique et médicale et leurs priorités. Sans céder au sensationnalisme ni aux visions apocalyptiques d’un continent « sauvage », l’Afrique centrale semble être un réel réservoir de virus. Toutefois, ce sont les systèmes économiques et politiques déstabilisateurs, notamment à l’époque coloniale, qui sont en cause : l’exploitation des forêts, les migrations de travail, l’urbanisation permettant l’essor de la prostitution – et donc le rôle accélérateur des maladies sexuellement transmissibles ainsi que de leur traitement par des injections non stériles. À cet égard, l’auteur aurait pu dresser de plus amples parallèles avec le VIH, dont l’Afrique centrale a été, dès les années 1950, le point de départ. Si les recherches virologiques s’évertuent à trouver le point zéro des épidémies, les politiques internationales doivent, pour leur part, s’attaquer aux crises économiques, politiques et sociales qui favorisent leur diffusion.
L’ouvrage ressemble à une enquête journalistique, scientifique et policière cherchant à savoir où se cache le virus, quel est son réservoir, pourquoi et dans quelles conditions se transmet-il à l’homme et devient-il ensuite aussi mortel ? L’auteur commence d’ailleurs par narrer les expéditions qu’il a accompagnées à travers les forêts d’Afrique centrale, notamment dans le cadre d’un recensement des maladies affectant les gorilles, en 2006. L’on peut regretter, dans l’ensemble, un exposé assez peu construit, qui mêle récits personnels, découvertes scientifiques et anecdotes de terrain de façon peu hiérarchisée. Cela implique quelques répétitions et des allers-retours entre différentes flambées épidémiques, de 1976 à aujourd’hui, quoique l’épidémie de 2014 soit relativement absente, seulement traitée dans l’épilogue de l’ouvrage.
Pour autant, on retient deux thèmes transversaux. Le premier concerne la recherche sur les différents primates, menée dans les forêts par des acteurs internationaux comme le Center for Disease Control américain et le Centre international de recherche médicale de Franceville (CIRMF) au Gabon. Ces recherches impliquent des récits épiques d’expédition de collecte d’excréments et de carcasses, et rappellent les dangers de la vie de laboratoire, au vu du nombre important de chercheurs ou d’assistants décédés. Deuxièmement, le rôle négatif, accélérateur dans la diffusion du virus, des structures sanitaires et en particulier de certains hôpitaux : dans le cas de l’épidémie de 1976, l’hôpital de mission de Yamboukou – aujourd’hui en République démocratique du Congo – a fini par fermer « pour la sinistre raison que tout le personnel était mort » (p. 46). Idem en 1995 à Kikwit, dans le même pays. Rappelons qu’à Monrovia (Liberia), certains hôpitaux ont dû fermer en septembre 2014, au pic de l’épidémie Ebola, pour les mêmes raisons d’impuissance face au risque de contamination pour les soignants.
Le livre montre bien combien la santé publique en Afrique se situe à la jonction entre, d’une part, les crises sociales, économiques, environnementales et écologiques au niveau local et régional, c’est-à-dire la façon dont les populations sont rendues vulnérables aux contaminations via les animaux, et d’autre part, les liens étroits entre ces situations et les enjeux internationaux de la recherche virologique et médicale et leurs priorités. Sans céder au sensationnalisme ni aux visions apocalyptiques d’un continent « sauvage », l’Afrique centrale semble être un réel réservoir de virus. Toutefois, ce sont les systèmes économiques et politiques déstabilisateurs, notamment à l’époque coloniale, qui sont en cause : l’exploitation des forêts, les migrations de travail, l’urbanisation permettant l’essor de la prostitution – et donc le rôle accélérateur des maladies sexuellement transmissibles ainsi que de leur traitement par des injections non stériles. À cet égard, l’auteur aurait pu dresser de plus amples parallèles avec le VIH, dont l’Afrique centrale a été, dès les années 1950, le point de départ. Si les recherches virologiques s’évertuent à trouver le point zéro des épidémies, les politiques internationales doivent, pour leur part, s’attaquer aux crises économiques, politiques et sociales qui favorisent leur diffusion.