See English version below « Ça s’est passé comme ça ». Ceci...
Docteur TTIP et Mister Tafta. Que nous réserve vraiment le traité transatlantique Europe/États-Unis ?
par Maxime Vaudano - Paris, Les petits matins, 2015, 160p.
Journaliste aux Décodeurs du Monde, l’auteur propose un éclairage concis et intéressant au sujet de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis, connu sous les acronymes Tafta / TTIP (Transatlantic Free Trade Agreement / Transatlantic Trade and Investment Partnership). L’opacité entourant les négociations de ce partenariat et le peu d’informations disponibles l’ont d’ores et déjà rendu impopulaire au sein de plusieurs pays, notamment en Allemagne et en France. En négociation depuis le 12 février 2013, il pourrait permettre l’adoption d’un marché commun entre les 820 millions d’Américains et d’Européens. Leurs destins seraient alors liés car le texte, loin d’être un simple accord de libre-échange, a de nombreuses implications économiques et sociétales.
À travers 24 courts chapitres, l’auteur retrace ainsi l’origine du traité, depuis les années 1990 jusqu’au début des négociations, et s’attarde sur les principaux enjeux et critiques accompagnant le Tafta / TTIP. L’ouverture d’un marché commun avec les États-Unis permettrait ainsi aux entreprises européennes d’exporter leurs produits et services de manière plus aisée dans des secteurs comme l’automobile, la chimie, la finance ou les produits laitiers. Cependant, le contraire est aussi vrai pour les entreprises américaines. Et l’auteur de poser clairement la question que la Commission européenne semble volontairement ignorer : qui seront les perdants et les gagnants d’un tel traité ? Le secteur agricole européen est particulièrement inquiet : l’auteur rappelle justement qu’après le récent Comprehensive Economic Trade Agreement (Ceta) avec le Canada, « le nombre de tonnes de bœuf canadien autorisées à entrer sur le marché européen » a été multiplié par 100 (p. 39).
Au-delà de l’abaissement des barrières douanières accompagnant traditionnellement les traités de libre-échange, ce sont des sujets comme les barrières non-douanières, la libéralisation étendue des services ou encore le mécanisme d’arbitrage entre les États et les entreprises (Investor-State Dispute Settlement) qui font le plus débat. Ainsi, si la potentielle convergence des normes dans des secteurs comme la santé, l’environnement, le droit du travail pourrait faciliter les pratiques commerciales des entreprises, comme par exemple dans le cadre de l’uniformisation de l’organisation des crash tests en Europe et aux États-Unis, elle pourrait cependant poser problème sur certains, comme la culture des organismes génétiquement modifiés (OGM) ou l’exploitation du gaz de schiste.
En outre, l’auteur consacre une partie importante du livre à l’explication du mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États, sujet très sensible dans certains pays comme l’Allemagne, où l’entreprise suédoise Vattenfall réclame, depuis 2012, 3,7 milliards d’euros de dédommagements à l’État fédéral à la suite de la nouvelle politique du pays en matière de nucléaire. Ce mécanisme permet, en effet, à une entreprise qui s’estime lésée dans ses droits par une nouvelle législation venant affecter son activité de ne pas réclamer de dédommagements à la justice du pays en question mais à une cour d’arbitrage indépendante. Bien que courant dans de nombreux traités d’investissements, ce mécanisme peut être perçu à raison par certains États comme un frein pour légiférer lorsque des arbitres doivent décider de cas complexes, comme l’expropriation indirecte. À ces questions épineuses peuvent s’ajouter celles concernant la protection des données privées des Européens et la propriété intellectuelle.
En définitive, si le TTIP / Tafta répond, pour l’auteur, à des enjeux économiques et stratégiques indéniables, à l’instar de l’imposition de nouvelles normes aux autres acteurs internationaux, la communication opaque sur des sujets sensibles et l’impossibilité d’en débattre publiquement est très certainement l’un des obstacles majeurs à sa ratification par les 28 États membres de l’UE. Un ouvrage à recommander pour mieux appréhender un accord qui n’a certainement pas fini de faire parler de lui.
À travers 24 courts chapitres, l’auteur retrace ainsi l’origine du traité, depuis les années 1990 jusqu’au début des négociations, et s’attarde sur les principaux enjeux et critiques accompagnant le Tafta / TTIP. L’ouverture d’un marché commun avec les États-Unis permettrait ainsi aux entreprises européennes d’exporter leurs produits et services de manière plus aisée dans des secteurs comme l’automobile, la chimie, la finance ou les produits laitiers. Cependant, le contraire est aussi vrai pour les entreprises américaines. Et l’auteur de poser clairement la question que la Commission européenne semble volontairement ignorer : qui seront les perdants et les gagnants d’un tel traité ? Le secteur agricole européen est particulièrement inquiet : l’auteur rappelle justement qu’après le récent Comprehensive Economic Trade Agreement (Ceta) avec le Canada, « le nombre de tonnes de bœuf canadien autorisées à entrer sur le marché européen » a été multiplié par 100 (p. 39).
Au-delà de l’abaissement des barrières douanières accompagnant traditionnellement les traités de libre-échange, ce sont des sujets comme les barrières non-douanières, la libéralisation étendue des services ou encore le mécanisme d’arbitrage entre les États et les entreprises (Investor-State Dispute Settlement) qui font le plus débat. Ainsi, si la potentielle convergence des normes dans des secteurs comme la santé, l’environnement, le droit du travail pourrait faciliter les pratiques commerciales des entreprises, comme par exemple dans le cadre de l’uniformisation de l’organisation des crash tests en Europe et aux États-Unis, elle pourrait cependant poser problème sur certains, comme la culture des organismes génétiquement modifiés (OGM) ou l’exploitation du gaz de schiste.
En outre, l’auteur consacre une partie importante du livre à l’explication du mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États, sujet très sensible dans certains pays comme l’Allemagne, où l’entreprise suédoise Vattenfall réclame, depuis 2012, 3,7 milliards d’euros de dédommagements à l’État fédéral à la suite de la nouvelle politique du pays en matière de nucléaire. Ce mécanisme permet, en effet, à une entreprise qui s’estime lésée dans ses droits par une nouvelle législation venant affecter son activité de ne pas réclamer de dédommagements à la justice du pays en question mais à une cour d’arbitrage indépendante. Bien que courant dans de nombreux traités d’investissements, ce mécanisme peut être perçu à raison par certains États comme un frein pour légiférer lorsque des arbitres doivent décider de cas complexes, comme l’expropriation indirecte. À ces questions épineuses peuvent s’ajouter celles concernant la protection des données privées des Européens et la propriété intellectuelle.
En définitive, si le TTIP / Tafta répond, pour l’auteur, à des enjeux économiques et stratégiques indéniables, à l’instar de l’imposition de nouvelles normes aux autres acteurs internationaux, la communication opaque sur des sujets sensibles et l’impossibilité d’en débattre publiquement est très certainement l’un des obstacles majeurs à sa ratification par les 28 États membres de l’UE. Un ouvrage à recommander pour mieux appréhender un accord qui n’a certainement pas fini de faire parler de lui.