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Dix concepts sociologiques en relations internationales
par Guillaume Devin (dir.) - Paris, CNRS Editions, 2015, 220p.
Déjà auteur, en 2009, d’une Sociologie des relations internationales dans laquelle il suggérait de considérer les phénomènes internationaux comme des faits sociaux, Guillaume Devin, professeur des universités en science politique à l’École doctorale de Sciences Po, dirige cette fois un ouvrage collectif se proposant de donner, en dix concept-clés, une démonstration concrète de l’apport des sciences sociales à l’analyse des relations internationales. L’ambition de cette approche est double : il s’agit non seulement d’élargir le champ de la recherche en relations internationales en l’enrichissant de concepts empruntés aux sciences humaines, mais aussi d’y appliquer les méthodes d’analyses empiriques qui ont déjà donné des résultats dans ces disciplines. Une telle approche permettrait non seulement de relier « les fils entre l’analyse du social et celle de l’international » (p. 5), mais aussi de « désenclaver les études internationales des théories prêtes à l’emploi » (p. 5).
Singulière, cette démarche se révèle pertinente. La notion de scène, théorisée par Erving Goffman, trouve ainsi une application particulièrement savoureuse quand G. Devin rappelle que son utilisation dans l’expression scène internationale « implique la perspective d’une représentation théâtrale de la vie internationale » (p. 10) où les acteurs internationaux cherchent à « persuader le public qu’il assiste à la représentation d’une certaine réalité » (p. 22), via des règles de représentation strictes – comme le port du costume et de la cravate, ou à l’inverse une décontraction affichée pour un sommet du G8. Tout manquement à ces règles menace la réalité de la scène, ce qui peut d’ailleurs être le but recherché par certains acteurs désireux de saper la légitimité d’un ordre qui ne leur convient pas, à l’exemple de Nikita Khrouchtchev brandissant sa chaussure à l’Assemblée générale des Nations unies pour protester contre le discours du représentant philippin.
Plus loin, c’est Raymond Boudon et son concept de « rationalité axiologique » qui est mis à contribution par Delphine Placidi-Frot pour rappeler que la décision d’un protagoniste lors du déclenchement d’un conflit ne repose pas toujours sur des conceptions utilitaristes - il ne cherche pas forcément à maximiser son intérêt stratégique – mais qu’au contraire, son engagement répond parfois à un besoin symbolique fondé sur ses propres valeurs – il peut ainsi chercher à exprimer une indignation face à la violation de ses principes moraux. Cette approche met l’accent sur les contextes locaux, ce qui permet de prévenir « les dérives ethnocentriques, déterministes ou essentialistes » (p. 151) des projets de développement qui ne parlent souvent que d’« attachement à des traditions séculaires » (p. 152) pour expliquer leurs échecs.
De manière plus générale, chaque concept présenté – la scène (E. Goffman), la structuration (Anthony Giddens), le champ (Pierre Bourdieu), l’interdépendance (Norbert Elias), la domination (Max Weber), la loyauté (Albert Hirschman), la rationalité (R. Boudon), le conflit (Georg Simmel), la réciprocité (Marcel Mauss) et l’intégration (Émile Durkheim) – peut se lire de manière indépendante. Si la lecture de certains d’entre eux peut s’avérer ardue, ils sont cependant tous suivis d’une abondante bibliographie, ce qui fait de ce livre une introduction idéale pour enrichir une réflexion en y apportant un éclairage à la fois intelligent et original.
Singulière, cette démarche se révèle pertinente. La notion de scène, théorisée par Erving Goffman, trouve ainsi une application particulièrement savoureuse quand G. Devin rappelle que son utilisation dans l’expression scène internationale « implique la perspective d’une représentation théâtrale de la vie internationale » (p. 10) où les acteurs internationaux cherchent à « persuader le public qu’il assiste à la représentation d’une certaine réalité » (p. 22), via des règles de représentation strictes – comme le port du costume et de la cravate, ou à l’inverse une décontraction affichée pour un sommet du G8. Tout manquement à ces règles menace la réalité de la scène, ce qui peut d’ailleurs être le but recherché par certains acteurs désireux de saper la légitimité d’un ordre qui ne leur convient pas, à l’exemple de Nikita Khrouchtchev brandissant sa chaussure à l’Assemblée générale des Nations unies pour protester contre le discours du représentant philippin.
Plus loin, c’est Raymond Boudon et son concept de « rationalité axiologique » qui est mis à contribution par Delphine Placidi-Frot pour rappeler que la décision d’un protagoniste lors du déclenchement d’un conflit ne repose pas toujours sur des conceptions utilitaristes - il ne cherche pas forcément à maximiser son intérêt stratégique – mais qu’au contraire, son engagement répond parfois à un besoin symbolique fondé sur ses propres valeurs – il peut ainsi chercher à exprimer une indignation face à la violation de ses principes moraux. Cette approche met l’accent sur les contextes locaux, ce qui permet de prévenir « les dérives ethnocentriques, déterministes ou essentialistes » (p. 151) des projets de développement qui ne parlent souvent que d’« attachement à des traditions séculaires » (p. 152) pour expliquer leurs échecs.
De manière plus générale, chaque concept présenté – la scène (E. Goffman), la structuration (Anthony Giddens), le champ (Pierre Bourdieu), l’interdépendance (Norbert Elias), la domination (Max Weber), la loyauté (Albert Hirschman), la rationalité (R. Boudon), le conflit (Georg Simmel), la réciprocité (Marcel Mauss) et l’intégration (Émile Durkheim) – peut se lire de manière indépendante. Si la lecture de certains d’entre eux peut s’avérer ardue, ils sont cependant tous suivis d’une abondante bibliographie, ce qui fait de ce livre une introduction idéale pour enrichir une réflexion en y apportant un éclairage à la fois intelligent et original.