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Dien Bien Phu vu d’en face
Préface de Jean-Pierre Rioux Paris, Nouveau monde, 2010, 272 p.
La défaite de Dien Bien Phu, du 13 mars au 7 mai 1954, a été largement commentée par les témoins de cette bataille ultime de la guerre d’Indochine, la première victoire d’une bataille en ligne par les troupes d’un pays colonisé. Mais ces témoins ont la particularité d’avoir vécu la bataille du côté des vaincus. Au Vietnam, le général Giap et les vainqueurs de cette épopée furent célébrés comme il se devait, et purent à de multiples occasions raconter leur propre version. Les éditions Nouveau monde proposent ici, après une préface de l’historien Jean-Pierre Rioux, de leur laisser la parole dans des textes courts, évoquant des épisodes précis de la bataille, et organisés chronologiquement. Ces textes, écrits par de simples soldats, ou même par des paysans ayant participé à la bataille, ont été récoltés et regroupés par une équipe de journalistes vietnamiens. Quelques uns, extraits des mémoires du général Giap donnent à l’ensemble du texte une dimension historique.
Ce recueil se fait le narrateur de la victoire du Viet Minh. Une victoire inattendue, émanant d’un peuple aux forces bien plus limitées, du point de vue technique, que celles de ses adversaires Il ressort de ce recueil un formidable récit sur la manière dont cette bataille a pu être remportée par le Viet Minh, contre toute attente, et avec des forces nettement plus limitées, d’un point de vue technique, que celles de leurs adversaires. À force de volonté, et avec l’enthousiasme parfois aveugle d’un peuple déterminé à vaincre dans cette ultime confrontation, les lignes vietnamiennes ont progressé inexorablement jusqu’à faire tomber les unes après les autres les positions françaises. Certains des témoins ont directement participé aux combats, et vu tout autour d’eux des proches tomber, avant de goûter aux joies de la victoire. Mais d’autres leur ont apporté un soutien indispensable et souvent moins reconnu, en fournissant de l’arrière les approvisionnements alimentaires, et faisant le relais pour assurer une victoire durable ; que cette victoire soit durable.
Dien Bien Phu fut, curieusement, un lieu de rencontre entre anciens ennemis. Des vétérans s’y croisèrent à plusieurs reprises, et François Mitterrand fut même, en 1993, le premier chef d’Etat occidental à visiter le Vietnam. Mais les conditions n’étaient pas aussi bonnes au lendemain des hostilités. Quelques jours après la capture du général de Castries, les prisonniers français durent ainsi participer à une reconstitution de la bataille, filmée par le soviétique Roman Karmen. Un épisode pénible, mais qui symbolisait l’entrée dans un monde d’images et de perceptions, dans lequel les batailles se gagnent encore une fois qu’elles sont terminées.