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Déterminants des conflits et nouvelles formes de prévention
par Jean-Pierre Vettovaglia (dir.) - Bruxelles, Bruylant, 2013, 1146 p.
Avec plus de 1 100 pages et 60 auteurs, l’ouvrage dirigé par Jean-Pierre Vettovaglia, ancien ambassadeur suisse, pourrait être classé dans la catégorie des livres de référence habituellement rangés dans le haut de nos bibliothèques. La rigueur de réflexion et le refus tant de la langue de bois que du politiquement correct auxquels il s’astreint ne peuvent qu’intriguer le lecteur, qui se rendra vite compte qu’une lecture attentive de cet ouvrage est pleinement justifiée. Bien au-delà du simple catalogue, J.-P. Vettovaglia réussit un tour de force en parvenant à imposer un clair fil directeur et une cohérence à cette collection d’articles. Cet ouvrage ambitieux ne cherche rien de moins qu’à identifier les déterminants des conflits, et tout particulièrement des conflits intra-étatiques modernes, avec une focalisation sur l’Afrique, pour faire ensuite le point sur les nouveaux espoirs en matière de prévention et de médiation.
Hormis le texte sur le conflit ivoirien, quelque peu superficiel, l’ensemble, qui permet par ailleurs une excellente actualisation des travaux des auteurs, se révèle très complet et fournit d’utiles synthèses, telles celles de Laurent d’Ersu sur l’organisation d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), de Jean-Bernard Véron sur la Somalie, de Georges Corm sur les conflits libanais ou de Thierry Vircoulon sur la République centrafricaine. Les textes d’Aymeric Chauprade, présentant la typologie des déterminants des conflits, d’André Salifou sur le déficit démocratique en Afrique, de Guy Hermet sur les illusions électorales, de Mélégué Traore sur le fait ethnique, de Silvio Ferrari sur l’impact du fait religieux et de Jean-Marc Chataigner sur le thème « pauvreté, fragilités, conflits » constituent un ensemble cohérent qui remet utilement en cause les lieux communs et les simplifications habituelles.
Le lecteur pressé se rapportera à la synthèse rédigée par J.-P. Vettovaglia et Philippe Hugon, « Les enchevêtrements des déterminants en Afrique » (p. 817). Ce texte, qui résume les deux premiers chapitres, met utilement à bas les explications mono-causales simplistes des conflits africains et rappelle la profondeur des multiples tensions latentes et haines recuites qui ne demandent qu’un incident pour exploser. Cette analyse souligne à quel point des approches multidisciplinaires associant toutes les sciences sociales, de l’économie à l’histoire, de l’analyse politique à la sociologie, de l’étude des religions à l’anthropologie, sont indispensables à la compréhension de ces conflits.
La dernière partie de l’ouvrage sur les nouvelles formes de médiation reste dans un optimisme volontariste de bon aloi pour un tel ouvrage, mais on sent poindre le scepticisme de J.-P. Vettovaglia vis-a-vis du défi posé par la prévention de conflits intra-étatiques en Afrique au regard de la profondeur des déterminants économiques, politiques, environnementaux, ethniques, religieux, etc. La seule critique, mineure, est que le financement de ce travail par l’Organisation de la francophonie a fait qu’aux cas des conflits africains a été ajouté une série de conflits des Balkans, du Moyen-Orient et du Caucase, dont les déterminants sont in fine de nature très différente de ceux des conflits africains, ce qui introduit une certaine hétérogénéité ; il eut été sans doute préférable de se limiter aux seuls conflits africains, ou de rechercher des conflits hors d’Afrique présentant des déterminants proches de ceux que l’on y retrouve – un cas intéressant est celui de l’Afghanistan. Au total, il s’agit d’un ouvrage remarquable, qui vient d’ailleurs d’être récompensé par le prix Turgot du livre d’économie francophone de l’année. Ce livre mérite non seulement d’être classé comme livre de référence à consulter occasionnellement, mais il vaut aussi, malgré sa taille, d’être lu attentivement et médité par tous ceux qui s’intéressent tant à l’Afrique qu’à la polémologie.
Hormis le texte sur le conflit ivoirien, quelque peu superficiel, l’ensemble, qui permet par ailleurs une excellente actualisation des travaux des auteurs, se révèle très complet et fournit d’utiles synthèses, telles celles de Laurent d’Ersu sur l’organisation d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), de Jean-Bernard Véron sur la Somalie, de Georges Corm sur les conflits libanais ou de Thierry Vircoulon sur la République centrafricaine. Les textes d’Aymeric Chauprade, présentant la typologie des déterminants des conflits, d’André Salifou sur le déficit démocratique en Afrique, de Guy Hermet sur les illusions électorales, de Mélégué Traore sur le fait ethnique, de Silvio Ferrari sur l’impact du fait religieux et de Jean-Marc Chataigner sur le thème « pauvreté, fragilités, conflits » constituent un ensemble cohérent qui remet utilement en cause les lieux communs et les simplifications habituelles.
Le lecteur pressé se rapportera à la synthèse rédigée par J.-P. Vettovaglia et Philippe Hugon, « Les enchevêtrements des déterminants en Afrique » (p. 817). Ce texte, qui résume les deux premiers chapitres, met utilement à bas les explications mono-causales simplistes des conflits africains et rappelle la profondeur des multiples tensions latentes et haines recuites qui ne demandent qu’un incident pour exploser. Cette analyse souligne à quel point des approches multidisciplinaires associant toutes les sciences sociales, de l’économie à l’histoire, de l’analyse politique à la sociologie, de l’étude des religions à l’anthropologie, sont indispensables à la compréhension de ces conflits.
La dernière partie de l’ouvrage sur les nouvelles formes de médiation reste dans un optimisme volontariste de bon aloi pour un tel ouvrage, mais on sent poindre le scepticisme de J.-P. Vettovaglia vis-a-vis du défi posé par la prévention de conflits intra-étatiques en Afrique au regard de la profondeur des déterminants économiques, politiques, environnementaux, ethniques, religieux, etc. La seule critique, mineure, est que le financement de ce travail par l’Organisation de la francophonie a fait qu’aux cas des conflits africains a été ajouté une série de conflits des Balkans, du Moyen-Orient et du Caucase, dont les déterminants sont in fine de nature très différente de ceux des conflits africains, ce qui introduit une certaine hétérogénéité ; il eut été sans doute préférable de se limiter aux seuls conflits africains, ou de rechercher des conflits hors d’Afrique présentant des déterminants proches de ceux que l’on y retrouve – un cas intéressant est celui de l’Afghanistan. Au total, il s’agit d’un ouvrage remarquable, qui vient d’ailleurs d’être récompensé par le prix Turgot du livre d’économie francophone de l’année. Ce livre mérite non seulement d’être classé comme livre de référence à consulter occasionnellement, mais il vaut aussi, malgré sa taille, d’être lu attentivement et médité par tous ceux qui s’intéressent tant à l’Afrique qu’à la polémologie.