Corée : réunification. Mission impossible ? Quid de l’après Kim Jong-il ?
Claude Helper Paris, LHarmattan, coll. « Points sur lAsie », 2008, 374 p.
Au moment où la Corée du Nord refait parler d’elle sur la scène internationale avec le lancement d’une fusée longue portée et alors que semble se préparer la succession de Kim Jong-il, ce livre très documenté permet de mieux comprendre les ressorts de la « politique de la provocation » menée par la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et d’envisager les différents scénarios possibles pour l’avenir de la péninsule coréenne divisée depuis soixante ans.
Constitué de deux parties (une partie « bilan » décrivant la situation des deux États coréens depuis la fin de la guerre et une partie « prospective » dans laquelle l’auteur aborde la problématique de la réunification), c’est un ouvrage très complet et nuancé qui aborde les aspects idéologiques, économiques, sociaux, politiques, militaires, géopolitiques, sans oublier la question des droits de l’homme.
Au-delà des rappels historiques sur les relations intercoréennes, de la description détaillée des atouts et handicaps des deux États, de l’analyse de l’influence des grandes puissances sur la région, l’intérêt majeur de cet ouvrage est la description très concrète et vivante de ce pays si fermé et exsangue qu’est la Corée du Nord, avec de nombreuses anecdotes sur l’organisation de la société nord-coréenne, sur la saga familiale des Kim, sur l’exode d’un nombre croissant de ressortissants nord-coréens ou sur l’essor des zones spéciales de Kaesong et du Mont Kumgang.
L’auteur évoque tous les éléments qui font de cette péninsule une région si particulière.
Ainsi, les deux Corée, aux systèmes politiques et économiques diamétralement opposés, sont toujours théoriquement en guerre, puisque aucun traité de paix n’a été signé depuis l’armistice. La Corée du Nord est un pays à part. Unique dynastie communiste au monde, c’est le pays de l’idéologie du Juche (autarcie), du culte de la personnalité, du Songun (« L’armée d’abord »), et c’est surtout aujourd’hui le 9e État nucléaire du monde. Alors que l’économie du Nord est au bord du gouffre et sous perfusion ; en moins de trente ans, la Corée du Sud, « petit pays sans ressources naturelles, a su se hisser à la 11e place de l’économie mondiale et au 3e rang en Asie ».
L’auteur nous décrit cette péninsule de plus en plus divisée tant les niveaux et les styles de vie diffèrent entre les deux Corée (le rapport de PNB entre le Nord et le Sud est de 1 à 30, et le Sud est deux fois plus peuplé que le Nord).
Il aborde longuement la question militaire, notant que la Corée du Nord a toujours eu pour stratégie de transformer ses capacités nucléaires et balistiques en gains diplomatiques : elle ne veut pas négocier en position de faiblesse.
Il évoque les réformes « timides » et les premières « fissures » du régime nord-coréen, et s’interroge sur la question centrale de l’après Kim Jong-il. Qui va lui succéder ? L’un de ses trois fils ? Son beau-frère ? Un hiérarque du Parti ou de l’armée ? Quel est l’avenir de la Corée du Nord : statu quo, implosion, évolution vers le modèle chinois, absorption ?
La réunification du peuple coréen est-elle possible ? Qui la souhaite vraiment ? Est-ce une utopie ? Quelles sont les réticences de la Chine, de la Russie, du Japon, des États-Unis ? Quel serait son coût ? Ses modalités ? L’auteur propose une comparaison très intéressante avec le modèle allemand et envisage différents scénarios.
Son analyse est particulièrement éclairante pour comprendre les évolutions qui ne manqueront pas d’intervenir dans les mois ou années qui viennent dans la région.