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Contrôler les armes
Amnesty International Paris, Autrement, 2010, 144 p.
Avec cet ouvrage, Amnesty International réussit le tour de force d’expliquer le problème de la dissémination des armes. Structuré en quatre chapitres, ce rapport est très documenté tant au niveau des statistiques que des illustrations : des encadrés très parlants ponctuent les chapitres et mettent en lumière la réalité qui se cache derrière des tableaux de chiffres.
Un des points cruciaux soulignés est le constat que les armes légères et de petit calibre (ALPC) sont paradoxalement les plus meurtrières. Peu coûteuses, faciles à transporter et à utiliser, elles constituent un plus grand danger pour les populations civiles que les Armes de Destruction Massive dont le commerce est très surveillé au niveau mondial. Il y aurait 875 millions d’ALPC en circulation dans le monde, 650 millions sont possédées à titre individuel. Cette dissémination aurait entraîné la mort de 4 millions de personnes entre 1990 et 2001, 90 % d’entre eux étaient des civils, 80 % des femmes et des enfants. Fort de ce constat, Amnesty pose le bilan du commerce mondial des armes : les grandes démocraties sont les principaux arsenaux dans le monde tant en production qu’en achat. Le commerce mondial des armes représente 1464 milliards de dollars par an. Après un ralentissement à la fin de la Guerre Froide, la Guerre contre le terrorisme a relancé à la hausse les budgets de Défense et de Sécurité. Or, le coût réduit des ALPC et des munitions en fait un outil de violence qui se vend et s’achète facilement.
L’accès facilité aux ALPC garanti par des textes de lois comme le second amendement de la Constitution des Etats-Unis multiplie les risques de violence. Les tueries en milieu scolaire ou les drames familiaux sont plus nombreux dans les pays où les armes à feu sont facilement accessibles. Les forces de l’ordre à travers le monde sont théoriquement soumises au Code de conduite de l’ONU signé en 1979. Il entraîne les principes de stricte nécessité de l’usage de l’arme à feu, de la proportionnalité de son usage, d’un entraînement régulier et d’une connaissance de ses responsabilités. Dans la très grande majorité des cas, les forces de sécurité ne répondent à aucun de ces principes et sont impliquées dans des violences arbitraires. Dans les zones de conflits (inter ou intra étatique), celui qui a les moyens de s’acheter une arme devient le protagoniste d’un cycle de violence pour des raisons politiques, religieuses ou crapuleuses. L’usage des armes à feu est impliqué dans toutes les formes de violence : extorsion, intimidation, esclavagisme, répression politique, viol, enlèvement, déplacement forcé… La moitié des pays ayant connu un cycle de violence retombe dans un autre cycle dans la décennie qui suit et cela est dû à la grande dissémination des armes. Ceux qui avaient un quelconque pouvoir grâce à elles n’y renoncent pas facilement : pouvoir politique, contrôle de ressources, de territoire… La gestion post-conflit ne se résout que par une récupération et une destruction des armes et la reconstruction économique d’une zone où chaque homme (et parfois enfant) est devenu soldat et ne connaît que l’état de guerre et l’usage des armes.
Le commerce international des armes appelé transfert ne connaît pas aujourd’hui de norme universelle : seuls 60 pays possèdent des législations en la matière. Rarement contraignantes, elles sont facilement contournables par des marchands professionnels qui contrôlent la chaîne entière du courtage à la vente de munitions en passant par le transport. Le seul outil qui permettrait un contrôle efficace serait l’usage universel du Certificat d’Utilisation Finale (CUF) qui garantirait la traçabilité des marchandises en responsabilisant les vendeurs et les acheteurs, couplé à des visites post exportation. C’est une des idées fortes du Traité sur le Commerce des Armes (TAC) qui est actuellement en discussion au sein des Nations Unies. Son but est d’établir un cadre universel à ce commerce mais la recherche d’un trop large consensus pourrait le vider de sa substance.