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Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle
Par Pierre Dardot et Christian Laval - Paris, La Découverte, 2015, 593p.
Cet ouvrage, ambitieux et touffu, devrait devenir une référence intellectuelle pour les mouvements alternatifs refusant l’hégémonie du système capitaliste et espérant l’avènement d’un nouveau modèle de société construit sur les principes de solidarité et d’association. Le livre n’est pourtant pas facile d’accès, et l’archéologie approfondie de la notion de « commun » peut décourager ceux qui chercheraient plutôt un manuel orienté vers l’action. Saluons toutefois ce travail intellectuel qui brosse l’histoire et la philosophie d’une notion plurielle et évolutive.
Si les communs faisaient référence à ces terrains librement exploités par la communauté villageoise, les auteurs s’appuient pour leur part sur une définition consensuelle : la gestion collective des ressources communes, qui échappent à la logique du marché comme à l’administration publique, et dont il faut les protéger. Ils citent les paysages, l’eau, l’air, les idées, la science, les ondes radio, mais aussi les relations sociales, l’éducation, l’engagement civique, etc. Les biens (ou choses) commun(e)s se différencient de la chose publique, appropriée par une institution – l’État –, qui est tout sauf aux mains des citoyens. P. Dardot et C. Laval constatent une offensive généralisée des forces du marché pour faire basculer toujours plus de communs dans le domaine de la propriété privée : biopiraterie (connaissances « indigènes » du biologique dérobées et déposées sous brevet par des multinationales, par exemple), accaparement des terres arables africaines par des entreprises du Golfe, etc.
Les auteurs proposent ensuite leur propre définition, puis construisent une théorie du changement politique et social qu’ils peuvent à juste titre qualifier de révolutionnaire – même si le lecteur pourrait ajouter le qualificatif « utopique ». Les biens communs ne peuvent se réduire à un régime de propriété : il s’agit de construire des normes, des règles sociales, des mécanismes légaux qui permettent à des individus de partager la propriété et le contrôle des ressources. Cela passe par la mobilisation d’un « agir commun », qui définit au sein de nouvelles institutions des droits d’usage établis sur une norme sociale de non-appropriation et de coproduction. Cette démarche doit irriguer toutes les sphères de l’économie et de la société, faire battre en retraite l’appropriation capitaliste et mettre fin aux hiérarchies et aux subordinations qui en résultent, notamment dans le monde du travail.
Refusant l’analyse marxiste et se nourrissant plutôt d’une vision néoproudhonienne, leur théorie envisage la recomposition de la société par une généralisation du phénomène d’association, dont les structures de base donneraient naissance à une fédération politique et à une forme d’autogouvernement. L’étape ultime vise la maîtrise des biens publics mondiaux et la défense du « patrimoine commun de l’humanité », en affaiblissant ou en éradiquant les logiques nationales.
Les nouveaux mouvements qui ont marqué, depuis les années 1990, ce rejet et ces revendications « préfigurent […] des institutions nouvelles par leur tendance à vouloir nouer forme et contenu, moyen et objectif, à se défier de la délégation à des partis et de la représentation parlementaire » (p. 455). Mais le lecteur se demandera ce qui demeure concrètement de ces mouvements, car l’ouvrage reste assez discret sur leur mise en œuvre, en dehors peut-être du commun de la connaissance. Pour ce dernier, les auteurs montrent les méthodes de coopération et de partage liées au monde de la recherche et de l’université, mais aussi les processus régissant les logiciels libres ou la constitution de l’encyclopédie Wikipédia.
Pour P. Dardot et C. Laval, la convergence de ces aspirations à un nouveau mode social conduira à une révolution sans violence, qui refondera notre monde.
Si les communs faisaient référence à ces terrains librement exploités par la communauté villageoise, les auteurs s’appuient pour leur part sur une définition consensuelle : la gestion collective des ressources communes, qui échappent à la logique du marché comme à l’administration publique, et dont il faut les protéger. Ils citent les paysages, l’eau, l’air, les idées, la science, les ondes radio, mais aussi les relations sociales, l’éducation, l’engagement civique, etc. Les biens (ou choses) commun(e)s se différencient de la chose publique, appropriée par une institution – l’État –, qui est tout sauf aux mains des citoyens. P. Dardot et C. Laval constatent une offensive généralisée des forces du marché pour faire basculer toujours plus de communs dans le domaine de la propriété privée : biopiraterie (connaissances « indigènes » du biologique dérobées et déposées sous brevet par des multinationales, par exemple), accaparement des terres arables africaines par des entreprises du Golfe, etc.
Les auteurs proposent ensuite leur propre définition, puis construisent une théorie du changement politique et social qu’ils peuvent à juste titre qualifier de révolutionnaire – même si le lecteur pourrait ajouter le qualificatif « utopique ». Les biens communs ne peuvent se réduire à un régime de propriété : il s’agit de construire des normes, des règles sociales, des mécanismes légaux qui permettent à des individus de partager la propriété et le contrôle des ressources. Cela passe par la mobilisation d’un « agir commun », qui définit au sein de nouvelles institutions des droits d’usage établis sur une norme sociale de non-appropriation et de coproduction. Cette démarche doit irriguer toutes les sphères de l’économie et de la société, faire battre en retraite l’appropriation capitaliste et mettre fin aux hiérarchies et aux subordinations qui en résultent, notamment dans le monde du travail.
Refusant l’analyse marxiste et se nourrissant plutôt d’une vision néoproudhonienne, leur théorie envisage la recomposition de la société par une généralisation du phénomène d’association, dont les structures de base donneraient naissance à une fédération politique et à une forme d’autogouvernement. L’étape ultime vise la maîtrise des biens publics mondiaux et la défense du « patrimoine commun de l’humanité », en affaiblissant ou en éradiquant les logiques nationales.
Les nouveaux mouvements qui ont marqué, depuis les années 1990, ce rejet et ces revendications « préfigurent […] des institutions nouvelles par leur tendance à vouloir nouer forme et contenu, moyen et objectif, à se défier de la délégation à des partis et de la représentation parlementaire » (p. 455). Mais le lecteur se demandera ce qui demeure concrètement de ces mouvements, car l’ouvrage reste assez discret sur leur mise en œuvre, en dehors peut-être du commun de la connaissance. Pour ce dernier, les auteurs montrent les méthodes de coopération et de partage liées au monde de la recherche et de l’université, mais aussi les processus régissant les logiciels libres ou la constitution de l’encyclopédie Wikipédia.
Pour P. Dardot et C. Laval, la convergence de ces aspirations à un nouveau mode social conduira à une révolution sans violence, qui refondera notre monde.