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Comment peut-on être Français ?
Rachid Kaci Paris, Larousse, 2009, 125 p.
Publié dans la stimulante collection « À dire vrai » dirigée par Jacques Marseille, le petit livre de Rachid Kaci vaut autant par son contenu que par la personnalité de son auteur. D’origine kabyle et de confession musulmane, cet électron libre de la droite libérale a fait ses premières armes en politique aux côtés de Alain Madelin et de Charles Pasqua. Animateur au sein de l’UMP du mouvement « La droite libre », il rejoint l’Élysée en 2007 en qualité de conseiller technique sur les questions de diversité et de politique de la ville. Même s’il a quitté la présidence de la République à l’été 2009 et ne cache pas ses divergences ponctuelles avec Nicolas Sarkozy, son essai est emblématique d’une droite décomplexée soucieuse de rompre avec ce qu’elle considère comme l’échec de « l’intégration à la française ».
Les idées de Kaci sont d’une décapante simplicité. Si les politiques d’immigration de la gauche comme de la droite ont échoué, c’est selon lui par excès de bons sentiments. Croyant bien faire, on a voulu protéger l’immigré d’un déracinement jugé fatal en lui donnant le droit de préserver sa culture, d’exercer sa religion, voire en valorisant son apport à la civilisation française. En sacralisant la différence de l’Autre, nous dit Kaci, on l’y a enfermé. On l’a pris au piège d’une posture communautariste et victimaire qui s’est révélée un frein à son intégration : « Le pire des racismes […] est celui qui consiste à dire à autrui en s’apitoyant sur son sort : “Tu es différent, on va donc te considérer comme tel, en respectant ta langue et ta culture d’origine” » (p. 111). C’est le cas avec la discrimination positive que l’auteur désapprouve au double motif qu’elle constitue une insulte pour la personne promue moins pour ses mérites que pour son appartenance à une « minorité visible » et une injustice pour celui qui aurait dû l’être sur le seul fondement de ses mérites. C’est le cas aussi avec cette mode de la repentance dont on sait qu’elle n’a pas les faveurs du président de la République : comment, interroge Kaci, donner aux immigrés le désir de s’intégrer à un pays dont les élites ne cessent de diaboliser l’histoire ? C’est le cas enfin avec la lutte contre les discriminations, dont la HALDE est désormais chargée, ou avec les zones d’éducation prioritaire (ZEP) qui, selon l’auteur, enferment les minorités discriminées dans une posture victimaire.
R. Kaci n’y va pas de main morte en proposant de remplacer l’objectif d’intégration par celui d’assimilation. Sacraliser les différences, c’est faire le lit des communautarismes les plus toxiques : préfacier du livre d’Alexandre Del Valle, Le totalitarisme islamiste à l’assaut des démocraties, il n’a pas de mot assez dur pour dénoncer l’intégrisme musulman et ses visées soi-disant totalitaires. Au contraire, ose-t-il soutenir, c’est en enseignant aux enfants « Nos ancêtres les Gaulois » que l’école de la République devrait créer l’identité et l’appartenance française, mission qu’elle a perdu de vue comme l’illustre le film Entre les murs qu’il cite plusieurs fois. C’est en cessant de remâcher les crimes de la colonisation – dont les aspects positifs ne devraient pas être occultés – et la traite des Noirs – dont les Européens ne porteraient pas seuls la responsabilité – qu’on donnera selon lui aux descendants de ces populations l’envie de devenir Français à part entière.
Sur un sujet où le politiquement correct domine, il faut reconnaître à l’auteur le courage de ses opinions. Sa prise de parole est bien dans le style du nouveau président de la République qui aime à asséner des idées soi-disant frappées au coin du bon sens dont la force serait d’autant plus grande qu’elles auraient fait l’objet d’une censure déguisée. Les arguments développés par le conseiller technique élyséen n’avaient jusqu’à une date récente qu’un droit de cité limité à quelques publications extrémistes – est emblématique le passage de Kaci de l’Édition des Syrtes, un éditeur confidentiel et volontiers polémique qui publia ses trois précédents ouvrages, au nettement plus grand public Larousse. Que de telles idées soient défendues par un immigré de la seconde génération ne les rend que plus déterminantes… et plus inquiétantes !