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Comment de Gaulle et le FLN ont mis fin à la guerre d’Algérie.
Chantal Morelle Éditions André Versaille, Bruxelles, 2012, 284 p.
La commémoration du 50e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie est la parfaite occasion pour toute personne intéressée par l’Histoire du XXe siècle de se repencher sur ce que l’on appela pudiquement jusqu’en 1999 les « évènements d’Algérie ». Chantal Morelle, agrégée et docteur en Histoire, spécialiste de de Gaulle et de Louis Joxe a donc écrit avec talent cet ouvrage, retraçant ici non seulement cette guerre, mais surtout les négociations qui menèrent à la signature des accords d’Évian, le 18 mars 1962. Les conséquences du cessez-le-feu sur les populations algériennes, européennes et harkies ainsi que l’avenir de la France et de son ancienne colonie sont des points développés dans l’ouvrage.
Traiter de la guerre d’Algérie n’est pas un sujet aisé, l’auteur a donc décidé d’adopter un point de vue particulier, puisque c’est en suivant les négociations menées à Évian sous le regard du Général de Gaulle et du Front de libération nationale (FLN) que l’on aborde ici la question de la revendication, de la négociation et enfin de l’indépendance. Le point de départ de cette description remonte au 5 juillet 1830, le jour où les Français posèrent pour la première fois le pied en Algérie et court jusqu’à nos jours, faisant de l’ouvrage une fresque vivante. L’auteur ne cherche en aucun cas à prendre parti pour l’une ou l’autre des revendications et se borne, avec rigueur, à nous faire comprendre les mécanismes de ce qui fut considéré au départ comme une révolte, puis qui évolua en une demande d’accession à l’autodétermination avant d’aboutir à l’indépendance proclamée le 3 juillet 1962, suite au référendum du 1er juillet.
La pertinence de cet ouvrage réside en trois points. L’auteur revient sur ces « évènements » de façon chronologique en adoptant un style choral, en nous faisant suivre l’évolution des différents protagonistes (le Général de Gaulle, Louis Joxe, le FLN, le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), ou encore l’Organisation armée secrète (OAS)). On assiste alors à la naissance des groupes politiques et terroristes, des hommes politiques, mettant ainsi les évènements en perspective et ne rendant la lecture de l’Histoire que plus pertinente et intelligible. L’auteur insiste sur la complexité du conflit en prenant soin d’évoquer le sort des harkis et des populations européennes au lendemain de la signature des accords d’Evian, ainsi que la poursuite des violences en Algérie et en France métropolitaine.
Par la richesse des sources, l’auteur parvient à nous faire pénétrer dans les réunions capitales (l’échec des rencontres de Melun en juin 1960, la rencontre d’Évian I en 1961 et Evian II pour n’en citer que quelques unes) et nous fait participer de l’intérieur aux discussions, aux débats et finalement aux décisions qui ont mené à la signature des accords d’Évian. À travers ce récit, elle nous permet également d’appréhender l’avenir des deux pays, à travers leurs nouveaux enjeux respectifs : la construction d’un nouveau pays en tenant compte de la diversité et des divisions au sein de la population, ainsi que le difficile retour à une paix civile pour l’un ; l’amputation d’une partie de son territoire, le retour des pieds noirs mais aussi la lutte contre les actions terroristes menées en métropole – notamment par l’OAS – pour l’autre.
Enfin, le tour de force de cet ouvrage est son incontestable actualité puisqu’il nous apporte un éclairage passé, présent et futur sur les relations qu’entretiennent les deux pays. L’auteur met ainsi en exergue les circonstances qui ont mené à la manifestation d’un sentiment d’indépendance parmi la population algérienne et la difficile marge de manœuvre des autorités françaises au fur et à mesure que le conflit s’enlisait.
Chantal Morelle s’efforce de décrire, avec précision, les nombreuses étapes qui ont abouti à la signature de ces accords, égrainant une à une les embûches rencontrées, les pressions politiques, sociales, voire terroristes qu’ont eu à résoudre les chefs d’État de deux rives de la Méditerranée.