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Chine/États-Unis. Fascinations et rivalités
Stéphanie Balme et Daniel Sabbagh Paris, Autrement, 2008, 192 p
Depuis la fin de la Guerre froide, la Chine a considérablement gagné en importance outre-Atlantique, et la relation Chine/États-Unis a été profondément bouleversée. La disparition de la bipolarité (et de l’ennemi commun à Washington et Pékin), la montée en puissance progressive de la Chine, et les difficultés rencontrées par les États-Unis sur la scène internationale invitent à réfléchir sur l’émergence d’une nouvelle bipolarité. Une invitation également à se pencher sur les perceptions réciproques, faites de fascinations et de rivalités, et qui évoluèrent sensiblement au cours des dernières années. La relation Pékin-Washington s’impose ainsi comme l’un des principaux sujets de politique internationale pour les années à venir.
Le réalisme de la politique internationale, exprimé à l’occasion du rapprochement spectaculaire entre les deux pays au début des années 70, a progressivement laissé place à une relation beaucoup plus complexe, faite à la fois de respect mutuel et d’opposition marquée. Avec la multiplicité des acteurs influençant la politique chinoise des États-Unis, et la convergence de thèmes pourtant radicalement opposés tels que le commerce bilatéral, le partenariat stratégique, les droits de l’Homme ou la culture, c’est toute la relation entre les deux pays qui se retrouve tiraillée entre plusieurs tendances, qui offrent parfois le spectacle d’une schizophrénie difficile à appréhender. Ainsi, la Chine est-elle perçue par les États-Unis comme un partenaire ou un rival ? Côté chinois, l’émergence économique s’est accompagnée d’un regain de sino-centrisme qui se traduit par un sentiment de fierté nationale de plus en plus répandu dans une population qui portait il y a encore peu un regard très critique sur son pays. Dans ces conditions, si l’Amérique continue de fasciner les Chinois, ces derniers montrent une fierté de plus en plus grande à l’égard de leur propre pays. Cela se retrouve dans les positionnements politiques de Pékin, mais également – et surtout – dans la société chinoise contemporaine.
Malgré ses qualités pédagogiques évidentes et la qualité de ses auteurs, on pourrait reprocher à cet ouvrage, qui aborde des questions essentielles, de rester parfois trop en surface, et de privilégier des développements historiques (importants, mais pas nécessairement indispensables ici) et certains aspects trop anecdotiques, tout en omettant d’importants développements. On pense ainsi aux perceptions stratégiques (la montée en puissance de l’Armée populaire de libération et ses perceptions côté américain), qui ne sont pas traitées. On pense également aux questions commerciales, évoquées, mais qui mériteraient à elles-seules une partie, voire un ouvrage. De même, certains développements auraient pu être réactualisés, notamment sur les relations Chine/Taiwan, les références sur ce sujet difficile datant de quelques années, et ne prenant pas en compte les récents développements, et les possibilités d’un dialogue entre les deux entités rivales.
Le choix d’un plan mi-thématique, mi-chronologique, s’il est justifié par la nécessité d’expliquer l’évolution de la relation Chine/États-Unis, et trouve son sens dans l’explication de la « rupture » de 1989, pose problème en opposant de manière parfois trop nette les rapports interétatiques et les interactions entre les sociétés. Or, si la Chine fascine (et inquiète) les autorités américaines, l’Amérique continue de fasciner les Chinois, de telle sorte que les relations entre États et sociétés sont fortement imbriquées dans le lien ambigu qu’entretiennent les États-Unis et la Chine. Sur ces différentes questions, il aurait été nécessaire d’accorder des développements plus larges.