Aux sources de la pensée shi’ite. Les enseignements de l’imam Muhammad Al-Baqir
Arzina R. Lalani Paris, Editions du Cerf, 2009, 197 p.
Cet ouvrage universitaire, consacré à Muhammad Al-Baqir (120/737), cinquième imam shi’ite, est une référence en la matière. Le lecteur devra avoir de solides connaissances religieuses afin de saisir toute la richesse et les subtilités du livre.
L’Imam Al-Baqir (petit fils de Husayn, le fils d’Ali) se voulait avant tout un homme religieux. Sa théorie ne menaçant pas le pouvoir politique Umayyade, il put vivre en paix et développer la notion de madhab ahl al bayt en développant ses points de vus sur différents aspects du fiqh.
Al-Baqir souhaitait introduire l’idée d’un imamat non belliqueux, durant une période où nombreux étaient ceux qui pensaient que la revendication de l’imamat n’était autre qu’une revendication politique. D’où le délicat principe de nass (désignation) interprété par Al-Baqir. Il insistait sur la nécessité de « suivre » l’Imam, qui selon lui, possèderait des attributs et des qualités inhérentes, incluant le ‘ilm (connaissance) et l’isma (impeccabilité).
L’Imam a un pouvoir absolu sur la communauté. Dans la mesure où il est désigné par Dieu et qu’il est infaillible, la communauté ne peut ni le désigner ni l’élire. Cette conception d’Al Baqir rend caduque le principe de l’ijma (consensus) et accorde à l’imam un statut de hujja (garant), pour guider l’humanité vers Allah. Nous ne pouvons que regretter que l’auteur n’ait pas tenté un parallèle avec la situation actuelle, concernant la perception de ces notions par les différentes communautés musulmanes et de leur éventuel impact sur l’actualité contemporaine.
Bien qu’il soit shi’ite, Al-Baqir est considéré dans les cercles non shi’ites comme une autorité digne de confiance en ce qui concerne les traditions du Prophète. Il porte le qualificatif de thiqa, le plus haut degré de confiance octroyé par les spécialistes musulmans à ceux qui sont considérés comme dignes de confiance et justes dans la transmission des traditions.
L’auteur Arzina Lalani a réussi à répartir ces difficiles notions en différents chapitres bien structurés. Après une explication du concept de l’imamat avant Al-Baqir (chapitre 2), et un aperçu sur sa vie et sa carrière (chapitre 3), Lalani définit le concept de l’imamat selon Al-Baqir (chapitre 4) et aborde le point de vue du cinquième imam sur quatre notions fondamentales de la théologie (chapitre 5). La dernière partie de l’ouvrage (chapitres 6 et 7) se clôt sur la place d’Al-Baqir dans les différents cercles (traditionnistes, non shi’ites etc.) et sur la contribution de l’imam à la jurisprudence shi’ite. À noter que malgré la bonne division et répartition des chapitres, le lecteur devra avoir une bonne connaissance historique du contexte politico-religieux de l’époque afin de saisir les concepts et notions de l’imamat tels que conçus par Al-Baqir. Quant aux chapitres 6 et 7, ils pêchent malheureusement par le manque de documents « officiels » établissant un rapport entre « contribution » et « contenu ».
Néanmoins, pour les lecteurs qui souhaitent approfondir leur connaissance sur le shiisme, Aux sources de la pensée sh’ite est un ouvrage incontournable.