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Atlas géopolitique de la Russie. Le grand retour sur la scène internationale
Par Pascal Marchand - Paris, Autrement, coll. "Atlas Monde", 2015, 96p.
La réédition de ce brillant atlas vient à point nommé. Pascal Marchand y réussit la gageure de proposer une analyse précise et exposant, rigoureusement et sans jugement de valeur, la vision géopolitique qui prévaut aujourd’hui à Moscou.
L’étude de la Russie passe nécessairement par l’évocation de l’immensité du territoire, caractérisée aussi bien par « un milieu contraignant » (p. 20) que par « la manne des hydrocarbures » (p. 32) et le « pactole des ressources minières » (p. 34). Mais la puissance du pays est d’abord le résultat de choix stratégiques. Certes, la Russie reste économiquement dépendante de systèmes productifs rentiers principalement basés sur les matières premières et l’industrie lourde – lesquelles représentent « 90 % des exportations » (p. 37). Néanmoins, sans cacher les difficultés de certains secteurs d’activités, l’auteur décrypte la modernisation du complexe militaro-industriel, la relance du domaine électronucléaire et la capacité de la Russie à exporter des savoir-faire de haute technologie. S’efforçant de structurer le tissu entrepreneurial russe autour de « grands champions nationaux » (p. 36) publics (Gazprom) ou privés (Norilsk Nickel), le volontarisme de l’État explique également le relèvement partiel de l’agriculture (céréaliculture) ou l’amélioration de l’équipement logistique du pays (modernisation des ports, intégration du réseau ferroviaire dans les projets chinois de routes de la soie). Toutefois, le défi majeur réside dans l’orientation des revenus « vers des investissements préparant l’activité économique de l’avenir » (p. 37), en dépit d’un actuel contexte diplomatique économiquement délétère.
En effet, « la géopolitique en action » (p. 49) du pouvoir russe est marquée par l’aggravation du fossé avec l’Occident, au risque d’une « nouvelle guerre froide » (p. 54). Pour Moscou, les États-Unis sont animés d’une constante hostilité à son encontre et l’Union européenne (UE) n’est que le « bras civil de l’OTAN » (p. 61). « L’isthme Baltique-Mer Noire » (p. 60) devient le théâtre d’opérations de cette conflictualité, avec l’Ukraine comme enjeu principal. Et le « coup de force » (p. 74) de l’intégration de la Crimée dans la Fédération de Russie procède directement de cette vision obsidionale.
Car, pour la Russie, la maîtrise de son étranger proche relève de la « sphère de ses intérêts privilégiés » (p. 59). Les rapprochements diplomatiques avec de fidèles alliés – le Kazakhstan, par exemple –, le maintien de relations avec des États ouverts sur l’Occident – comme l’Azerbaïdjan « proaméricain mais pas antirusse » (p. 77) – ainsi que la quête de renversements d’alliances aux dépens des États-Unis (Kirghizstan) s’y avèrent fondamentaux.
D’autant que le Kremlin se tourne plus avant vers l’Est. Les connexions économiques ainsi que les partenariats géopolitiques (Organisation de coopération de Shanghai) entre Moscou et Beijing contribuent à un possible « basculement vers l’Eurasie » (p. 90) de la Russie. D’ailleurs, en Ukraine, le Partenariat oriental européen ainsi que les sanctions commerciales prises par l’UE et les États-Unis n’ont fait que renforcer le tropisme asiatique russe et un « mur d’incompréhension » (p. 57) avec les instances bruxelloises.
In fine, la stratégie américaine qui vise, dès l’implosion de l’Union soviétique, à « intégrer tous les pays de l’ex-URSS dans l’UE et dans l’OTAN en une “communauté euro-atlantique” et en tenir la Russie à l’écart » (p. 90) peut s’avérer éminemment contre-productive pour Washington. À favoriser une réorientation stratégique de la Russie vers l’Asie et la Chine, les États-Unis risquent de hâter « ce que la géopolitique anglo-saxonne vise depuis un siècle à empêcher : l’association du Heartland et du Rimland » (p. 92) – validant ainsi à leurs dépens le bien-fondé des théories de Halford John Mackinder et de Nicholas Spykman.
L’étude de la Russie passe nécessairement par l’évocation de l’immensité du territoire, caractérisée aussi bien par « un milieu contraignant » (p. 20) que par « la manne des hydrocarbures » (p. 32) et le « pactole des ressources minières » (p. 34). Mais la puissance du pays est d’abord le résultat de choix stratégiques. Certes, la Russie reste économiquement dépendante de systèmes productifs rentiers principalement basés sur les matières premières et l’industrie lourde – lesquelles représentent « 90 % des exportations » (p. 37). Néanmoins, sans cacher les difficultés de certains secteurs d’activités, l’auteur décrypte la modernisation du complexe militaro-industriel, la relance du domaine électronucléaire et la capacité de la Russie à exporter des savoir-faire de haute technologie. S’efforçant de structurer le tissu entrepreneurial russe autour de « grands champions nationaux » (p. 36) publics (Gazprom) ou privés (Norilsk Nickel), le volontarisme de l’État explique également le relèvement partiel de l’agriculture (céréaliculture) ou l’amélioration de l’équipement logistique du pays (modernisation des ports, intégration du réseau ferroviaire dans les projets chinois de routes de la soie). Toutefois, le défi majeur réside dans l’orientation des revenus « vers des investissements préparant l’activité économique de l’avenir » (p. 37), en dépit d’un actuel contexte diplomatique économiquement délétère.
En effet, « la géopolitique en action » (p. 49) du pouvoir russe est marquée par l’aggravation du fossé avec l’Occident, au risque d’une « nouvelle guerre froide » (p. 54). Pour Moscou, les États-Unis sont animés d’une constante hostilité à son encontre et l’Union européenne (UE) n’est que le « bras civil de l’OTAN » (p. 61). « L’isthme Baltique-Mer Noire » (p. 60) devient le théâtre d’opérations de cette conflictualité, avec l’Ukraine comme enjeu principal. Et le « coup de force » (p. 74) de l’intégration de la Crimée dans la Fédération de Russie procède directement de cette vision obsidionale.
Car, pour la Russie, la maîtrise de son étranger proche relève de la « sphère de ses intérêts privilégiés » (p. 59). Les rapprochements diplomatiques avec de fidèles alliés – le Kazakhstan, par exemple –, le maintien de relations avec des États ouverts sur l’Occident – comme l’Azerbaïdjan « proaméricain mais pas antirusse » (p. 77) – ainsi que la quête de renversements d’alliances aux dépens des États-Unis (Kirghizstan) s’y avèrent fondamentaux.
D’autant que le Kremlin se tourne plus avant vers l’Est. Les connexions économiques ainsi que les partenariats géopolitiques (Organisation de coopération de Shanghai) entre Moscou et Beijing contribuent à un possible « basculement vers l’Eurasie » (p. 90) de la Russie. D’ailleurs, en Ukraine, le Partenariat oriental européen ainsi que les sanctions commerciales prises par l’UE et les États-Unis n’ont fait que renforcer le tropisme asiatique russe et un « mur d’incompréhension » (p. 57) avec les instances bruxelloises.
In fine, la stratégie américaine qui vise, dès l’implosion de l’Union soviétique, à « intégrer tous les pays de l’ex-URSS dans l’UE et dans l’OTAN en une “communauté euro-atlantique” et en tenir la Russie à l’écart » (p. 90) peut s’avérer éminemment contre-productive pour Washington. À favoriser une réorientation stratégique de la Russie vers l’Asie et la Chine, les États-Unis risquent de hâter « ce que la géopolitique anglo-saxonne vise depuis un siècle à empêcher : l’association du Heartland et du Rimland » (p. 92) – validant ainsi à leurs dépens le bien-fondé des théories de Halford John Mackinder et de Nicholas Spykman.