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Atlas de la mondialisation. Une seule terre, des mondes
Par Laurent Carroué - Paris, Autrement, 2018, 95p.
À travers ce dense et brillant atlas, le géographe Laurent Carroué propose une nouvelle lecture de ce paradigme universel qu’est la mondialisation. Nullement statique, elle est plus que jamais une « construction dynamique, instable et conflictuelle » (p. 7). Définie dans sa dimension géoéconomique en tant que « diffusion progressive de l’économie marchande puis capitaliste à la surface du globe » (p. 90), elle relève également du domaine géopolitique et géostratégique, et doit alors être envisagée « comme un affrontement de puissances pour l’exercice d’un hégémon d’échelles spatiales variables, mais pour l’essentiel continentales ou mondiales » (p. 90).
Phénomène territorial, la mondialisation est certes d’abord une réalité planétaire avec « l’émergence progressive d’un système-monde qui confère à l’échelle mondiale un rôle croissant » (p. 9). Mais elle doit aussi être analysée selon différentes échelles. Les analyses proposées par l’auteur renvoient toujours à cette diversité scalaire. Le système financier, « hypertrophié et hyperspéculatif » (p. 42), est ainsi étudié à la mesure de sa dimension globalisée, dans un réseau de marchés « interconnectés et interdépendants » (p. 43), mais plus spécifiquement analysé dans une de ses formes de polarisation métropolitaine extrême : la World Class City qu’est Londres (p. 54).
Loin d’être un processus uniformisateur, la mondialisation exacerbe à l’extrême les clivages et les hiérarchies de puissance. Celles-ci sont, du reste, historiquement très mobiles. Le Royaume-Uni, aujourd’hui « désuni » (p. 64), a perdu son prestige de la Belle Époque. Les États-Unis ne sont plus l’hyperpuissance des années 1990. Devenus « un facteur de désordre international » (p. 25) par leur arrogance et leur unilatéralisme, ils doivent désormais composer avec une « puissance en débat […] [entre] unilatéralisme, repli sur soi et crise identitaire » (p. 60). En vis-à-vis, le Sud, jadis simple tiers-monde défaillant, est à présent articulé autour « de puissances de rang mondial [Chine, Brésil, Inde] […] et de nouvelles puissances, d’échelle continentale, avérées [Afrique du Sud, Éthiopie, Arabie saoudite, Iran, Turquie] ou potentielles [Mexique, Nigeria, Indonésie] » (p. 22).
Diverse dans ses spatialités, la mondialisation est aussi hétérogène par ses acteurs et leurs logiques d’action. Parmi ces derniers, les firmes transnationales organisent les territoires en fonction de leurs stratégies d’implantation et sont capables de malmener les logiques d’affirmation souveraine de l’action publique. L’État conserve néanmoins toute sa centralité dans cette mondialisation. Son champ des possibles est immense : régulation économique, stratégies nationales de puissance, intégration dans les modes de la « gouvernance mondiale » (p. 88), gestion des grands défis de demain tels que « nourrir la terre » (p. 76), apaisement d’un « monde sous tension » (p. 82), règlement de l’urgence environnementale et, surtout, façonnement d’une planète plus solidaire – alors que l’acuité des inégalités sociospatiales n’a jamais été aussi grande.
Finalement, c’est toute la question de la durabilité d’un système économique et social mondial profondément fracturé qui est posée. Les dynamiques actuelles de « surintégration » et de « surexclusion », aussi bien sur le plan territorial que social, ne peuvent qu’exacerber les logiques de « tensions et de crises » et accélérer le processus de « grand chambardement » (p. 91) d’une planète affectée par des « ruptures essentielles […] [et notamment] : la grande émancipation des Suds […] [Désormais, ceux-ci] battent en brèche la vieille domination des puissances occidentales […] [ce qui] aboutit à une grande bifurcation qui caractérise le passage d’un monde bipolaire ou unipolaire à un monde multipolaire ou polynucléaire » (p. 91).
Phénomène territorial, la mondialisation est certes d’abord une réalité planétaire avec « l’émergence progressive d’un système-monde qui confère à l’échelle mondiale un rôle croissant » (p. 9). Mais elle doit aussi être analysée selon différentes échelles. Les analyses proposées par l’auteur renvoient toujours à cette diversité scalaire. Le système financier, « hypertrophié et hyperspéculatif » (p. 42), est ainsi étudié à la mesure de sa dimension globalisée, dans un réseau de marchés « interconnectés et interdépendants » (p. 43), mais plus spécifiquement analysé dans une de ses formes de polarisation métropolitaine extrême : la World Class City qu’est Londres (p. 54).
Loin d’être un processus uniformisateur, la mondialisation exacerbe à l’extrême les clivages et les hiérarchies de puissance. Celles-ci sont, du reste, historiquement très mobiles. Le Royaume-Uni, aujourd’hui « désuni » (p. 64), a perdu son prestige de la Belle Époque. Les États-Unis ne sont plus l’hyperpuissance des années 1990. Devenus « un facteur de désordre international » (p. 25) par leur arrogance et leur unilatéralisme, ils doivent désormais composer avec une « puissance en débat […] [entre] unilatéralisme, repli sur soi et crise identitaire » (p. 60). En vis-à-vis, le Sud, jadis simple tiers-monde défaillant, est à présent articulé autour « de puissances de rang mondial [Chine, Brésil, Inde] […] et de nouvelles puissances, d’échelle continentale, avérées [Afrique du Sud, Éthiopie, Arabie saoudite, Iran, Turquie] ou potentielles [Mexique, Nigeria, Indonésie] » (p. 22).
Diverse dans ses spatialités, la mondialisation est aussi hétérogène par ses acteurs et leurs logiques d’action. Parmi ces derniers, les firmes transnationales organisent les territoires en fonction de leurs stratégies d’implantation et sont capables de malmener les logiques d’affirmation souveraine de l’action publique. L’État conserve néanmoins toute sa centralité dans cette mondialisation. Son champ des possibles est immense : régulation économique, stratégies nationales de puissance, intégration dans les modes de la « gouvernance mondiale » (p. 88), gestion des grands défis de demain tels que « nourrir la terre » (p. 76), apaisement d’un « monde sous tension » (p. 82), règlement de l’urgence environnementale et, surtout, façonnement d’une planète plus solidaire – alors que l’acuité des inégalités sociospatiales n’a jamais été aussi grande.
Finalement, c’est toute la question de la durabilité d’un système économique et social mondial profondément fracturé qui est posée. Les dynamiques actuelles de « surintégration » et de « surexclusion », aussi bien sur le plan territorial que social, ne peuvent qu’exacerber les logiques de « tensions et de crises » et accélérer le processus de « grand chambardement » (p. 91) d’une planète affectée par des « ruptures essentielles […] [et notamment] : la grande émancipation des Suds […] [Désormais, ceux-ci] battent en brèche la vieille domination des puissances occidentales […] [ce qui] aboutit à une grande bifurcation qui caractérise le passage d’un monde bipolaire ou unipolaire à un monde multipolaire ou polynucléaire » (p. 91).