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Arrogant comme un Français en Afrique
Par Antoine Glaser - Paris, Fayard, 2016, 192p.
Antoine Glaser n’a jamais autant écrit que depuis qu’il a pris sa retraite de La Lettre du Continent, une note d’information confidentielle sur l’Afrique qu’il a dirigée pendant vingt-huit ans. Arrogant comme un Français en Afrique est publié chez le même éditeur et avec la même maquette que AfricaFrance (voir notre recension dans La Revue internationale et stratégique, n° 99, automne 2015, pp. 170-171). L’un comme l’autre chroniquent la relation franco-africaine. Tous deux sont construits en courts chapitres fourmillant d’anecdotes narrées d’une plume allègre qui se lit agréablement.
Dans AfricaFrance, Antoine Glaser soutenait que le rapport de domination entre l’Afrique et la France s’était inversé : au temps où la France tirait les ficelles en Afrique avait succédé celui où les dirigeants africains étaient en passe de devenir « les maîtres du jeu ». La thèse défendue dans Arrogant comme un français en Afrique n’est pas moins percutante : faute d’avoir fait l’effort de comprendre la complexité et la richesse du continent et à trop avoir voulu y plaquer des schémas occidentaux inapplicables, la France paie aujourd’hui le prix de son arrogance.
À l’appui de sa thèse, l’auteur examine successivement tous les acteurs de la coopération franco-africaine et dénonce leur arrogance. Arrogance des chefs d’État, de droite comme de gauche, qui reproduisent une attitude paternaliste avec des dirigeants africains qui, lassés d’être méprisés, se cherchent d’autres partenaires en Chine, au Brésil ou en Inde. Arrogance des militaires qui se satisfont du succès à court terme de leurs interventions et refusent de reconnaître leur échec à long terme. Arrogance des diplomates bunkérisés dans des ambassades cadenassées par la menace terroriste et décrédibilisés par la pusillanimité de la politique de visas de la France. Arrogance des hommes d’affaires qui s’imaginent encore que la signature d’un contrat dépend d’un coup de fil de l’Élysée. Arrogance des coopérants – ou de ce qu’il en reste tellement leurs effectifs ont fondu – qui, claquemurés dans leurs belles villas, n’ont pas fait grand-chose pour le développement des pays qu’ils étaient censés aider. Arrogance des missionnaires qui n’ont pas su ou pas pu endiguer la poussée des fondamentalismes musulmans ou évangéliques. Arrogance, enfin, de tous ceux que Vincent Hugeux avait joliment baptisés les « sorciers blancs de l’Afrique » (Les sorciers blancs. Enquête sur les faux amis français de l'Afrique, Paris, Fayard, 2007. Voir notre recension dans La Revue internationale et stratégique, n° 67, automne 2007) : avocats sans éthique, conseillers en communication, journalistes stipendiés, qui vendent leurs conseils pas toujours pertinents à des Africains de moins en moins crédules.
La charge est rude. Mais elle est juste. Elle s’appuie notamment sur les récents rapports parlementaires qui ont fait, avec une grande lucidité, le constat de la perte d’influence de la France en Afrique. Celui des sénateurs Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel d’octobre 2013 sur « La présence de la France dans une Afrique convoitée ». Celui des députés Jean-Claude Guibal et Philippe Baumel de mai 2015 sur « La stabilité et le développement de l’Afrique francophone ».
Elle pèche toutefois par son absence de comparaison. Car si l’influence de la France en Afrique décline, il n’est pas pour autant automatique que l’influence de ses concurrents y augmente à due proportion. Le jeu n’est pas à somme nulle qui verrait se substituer à une domination (néo)coloniale une autre forme de relation aussi déséquilibrée. L’ouvrage qui analyserait, comme le fait Antoine Glaser pour la France, la relation sino-africaine à travers ses acteurs (politiques, militaires, diplomates, hommes d’affaires, etc.) reste ainsi à écrire.
Dans AfricaFrance, Antoine Glaser soutenait que le rapport de domination entre l’Afrique et la France s’était inversé : au temps où la France tirait les ficelles en Afrique avait succédé celui où les dirigeants africains étaient en passe de devenir « les maîtres du jeu ». La thèse défendue dans Arrogant comme un français en Afrique n’est pas moins percutante : faute d’avoir fait l’effort de comprendre la complexité et la richesse du continent et à trop avoir voulu y plaquer des schémas occidentaux inapplicables, la France paie aujourd’hui le prix de son arrogance.
À l’appui de sa thèse, l’auteur examine successivement tous les acteurs de la coopération franco-africaine et dénonce leur arrogance. Arrogance des chefs d’État, de droite comme de gauche, qui reproduisent une attitude paternaliste avec des dirigeants africains qui, lassés d’être méprisés, se cherchent d’autres partenaires en Chine, au Brésil ou en Inde. Arrogance des militaires qui se satisfont du succès à court terme de leurs interventions et refusent de reconnaître leur échec à long terme. Arrogance des diplomates bunkérisés dans des ambassades cadenassées par la menace terroriste et décrédibilisés par la pusillanimité de la politique de visas de la France. Arrogance des hommes d’affaires qui s’imaginent encore que la signature d’un contrat dépend d’un coup de fil de l’Élysée. Arrogance des coopérants – ou de ce qu’il en reste tellement leurs effectifs ont fondu – qui, claquemurés dans leurs belles villas, n’ont pas fait grand-chose pour le développement des pays qu’ils étaient censés aider. Arrogance des missionnaires qui n’ont pas su ou pas pu endiguer la poussée des fondamentalismes musulmans ou évangéliques. Arrogance, enfin, de tous ceux que Vincent Hugeux avait joliment baptisés les « sorciers blancs de l’Afrique » (Les sorciers blancs. Enquête sur les faux amis français de l'Afrique, Paris, Fayard, 2007. Voir notre recension dans La Revue internationale et stratégique, n° 67, automne 2007) : avocats sans éthique, conseillers en communication, journalistes stipendiés, qui vendent leurs conseils pas toujours pertinents à des Africains de moins en moins crédules.
La charge est rude. Mais elle est juste. Elle s’appuie notamment sur les récents rapports parlementaires qui ont fait, avec une grande lucidité, le constat de la perte d’influence de la France en Afrique. Celui des sénateurs Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel d’octobre 2013 sur « La présence de la France dans une Afrique convoitée ». Celui des députés Jean-Claude Guibal et Philippe Baumel de mai 2015 sur « La stabilité et le développement de l’Afrique francophone ».
Elle pèche toutefois par son absence de comparaison. Car si l’influence de la France en Afrique décline, il n’est pas pour autant automatique que l’influence de ses concurrents y augmente à due proportion. Le jeu n’est pas à somme nulle qui verrait se substituer à une domination (néo)coloniale une autre forme de relation aussi déséquilibrée. L’ouvrage qui analyserait, comme le fait Antoine Glaser pour la France, la relation sino-africaine à travers ses acteurs (politiques, militaires, diplomates, hommes d’affaires, etc.) reste ainsi à écrire.