See English version below « Ça s’est passé comme ça ». Ceci...
Après le déluge. La grande crise de la mondialisation
Nicolas Baverez Paris, Perrin, 2009, 188 p.
L’économiste et historien Nicolas Baverez[1] s’est employé à son tour à analyser l’actuelle crise économique mondiale. Dans cette chronique aisément accessible, il revient sur les bulles spéculatives à travers l’histoire et prédit un scénario pessimiste faute de changement radical de comportements. Au passage, il livre quelques idées générales sur un nouveau capitalisme, tout en marquant son attachement au libéralisme qu’il considère non pas comme le responsable de la crise, mais comme son remède.
D’emblée, l’essayiste tire la sonnette d’alarme : cette crise est le « Pearl Harbor de la mondialisation » voire une « révolution » économique, géopolitique, intellectuelle et idéologique. « Le destin du xxie siècle se joue maintenant », estime-t-il (p. 17). Pas moins sévère ni davantage optimiste que dans ses ouvrages précédents, ce qui lui a valu l’étiquette de « décliniste », l’auteur avertit que « le système économique n’est pas en état de supporter une nouvelle secousse d’intensité comparable à l’horizon d’une génération » (p. 19). Et si les leçons de la présente crise ne sont pas tirées, l’avenir s’annonce inquiétant : les effets pourraient être plus catastrophiques encore tandis que la mondialisation risque de ne pas se poursuivre, prévient-il.
Une analyse des rouages qui ont conduit à « la plus vaste bulle spéculative de l’histoire du capitalisme » (p. 31) – subprimes, titrisation, dérégulation, internationalisation, politique monétaire de la Fed… – vient étayer son hypothèse. Si à l’origine de chaque bulle, on retrouve les « passions collectives », les intérêts et les illusions indissociables de la dynamique du capitalisme, l’actuelle crise se distingue par sa vitesse de propagation, mais aussi par l’instabilité du modèle économique, par le déséquilibre dans la répartition de la valeur ajoutée ou encore par la montée des risques globaux, pour ne citer que quelques éléments.
Comment alors sauver la mondialisation, que l’auteur qualifie de « bien commun de l’humanité » dont la fin constituerait un revers aux « espoirs engendrés par la société ouverte » ? Pas en condamnant le marché, répond-il, mais en le régulant et en instaurant un nouvel équilibre entre l’État et le marché. La crise du capitalisme mondialisé, qui marque la fin du cycle néo-libéral et de la domination de l’Occident, a invalidé la croyance en l’auto-régulation des marchés. Le capitalisme survivra forcément, estime-t-il, compte tenu de ses capacités d’adaptation. Mais la liberté économique ira-t-elle à l’avenir de pair avec la liberté politique étant donné que le capitalisme se développe désormais dans les régimes autoritaires ? Nicolas Baverez agrémente sa vision de quelques notions philosophiques et affirme son attachement au libéralisme politique en rappelant brièvement que celui-ci rime avec les valeurs telles que le respect des droits de l’homme, la modération ou encore l’équilibre des pouvoirs (p. 187).
L’essayiste esquisse les grandes lignes de ce nouveau modèle. La véritable sortie de crise passera par la régulation de la finance, par la capacité à endiguer le protectionnisme ainsi que par un mode de développement respectueux de l’environnement – qui reste à inventer –, sans oublier la gouvernance mondiale et l’importance des contre-pouvoirs.
Ce capitalisme neuf souhaité par l’auteur ne saurait naître dans un climat de peur, mais de confiance et de coopération. La tâche risque d’être ardue, d’autant plus que selon Nicolas Baverez la situation n’autorise « aucun droit à l’erreur » (p. 182).
[1]. Nicolas Baverez est chroniqueur au Monde et éditorialiste au Point. Il est auteur d’une dizaine d’essais, dont La France qui tombe, Les Trente Piteuses, Nouveau Monde, Vieille France, Que faire ? ou encore de En route vers l’inconnu.