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Allah n’y est pour rien. Sur les révolutions arabes et quelques autres
Emmanuel Todd Paris, Le Publieur, Arrêt sur images.net, 2011, 89 p.
Ce court ouvrage est la retranscription d’une émission du site arretsurimages.net. Toutefois, comme l’annonce la préface de Daniel Schneidermann, « Naissance d’un livre », d’autres questions et réponses ont été ajoutées à la suite de l’émission.
Emmanuel Todd, historien, démographe et anthropologue, est interrogé sur son analyse des « révolutions arabes ». Il est en effet le coauteur, avec Youssef Courbage, de l’ouvrage Le rendez-vous des civilisations (Seuil, 2007) dans lequel, s’appuyant sur des statistiques démographiques, ils constataient l’entrée de plain-pied du monde arabe dans la modernité.
Toutefois, rapidement, l’entretien dévie sur d’autres sujets, d’où son titre, accrocheur. Sous une forme ludique – le journaliste s’étant mis en tête de « tester un peu les capacités de prophète [d’E. Todd] » (p. 40) – l’auteur sera certes interrogé sur les pays dans lesquels les mouvements révolutionnaires sont en cours, mais aussi sur d’autres encore (Chine, Russie, etc.). Dans ce rapide « tour du monde » des sociétés qui se conclut sur l’Afrique Noire « dernière région du monde à s’alphabétiser et à faire sa transition démographique » (p. 68), E. Todd montre que les structures familiales traditionnelles, le taux d’alphabétisation, le taux de fécondité sont autant de données fondamentales pour comprendre les enjeux du monde qui nous entoure. Des bouleversements politiques du monde arabe à l’Iran, en passant par la vision de l’islam en France ou encore la crise de l’Euro, E. Todd se saisit des phénomènes historiques et des permanences structurelles des sociétés pour nous en expliquer les évolutions et les possibles horizons.
Celui qui qualifie Le rendez-vous des civilisations, d’acte « scientifique mais civique » (p. 53) multiplie au cours de l’entretien les déclarations provocatrices et non conformistes : ainsi, « Les Iraniens, » dit-il, « auraient été la première des grandes démocraties du Moyen-Orient si on leur avait foutu la paix » (p. 25), ou encore, à propos de la question de l’islam en France : « On est dans une société malade. Voir des gens s’exciter, s’exciter, s’exciter sur un problème qui n’existe pas, on connaît ça très bien dans les asiles psychiatriques… » (p. 55).
Les questions fusent et trouvent leurs réponses étonnantes et perspicaces dans ce livre remarquable de liberté de ton, de bon sens et d’humour. D. Schneidermann le précise dans sa préface : « Todd est de ces trop rares penseurs [qui] ne s’encombrent d’aucune prudence verbale, d’aucune bienséance, d’aucun conformisme, d’aucun politiquement correct » (p. 9-10).