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Afrique : le mirage démocratique.
Vincent Hugueux CNRS éditions, Paris, 2012, 58 p.
Dans un texte très court, caustique, d’où peu de leaders africains sortent indemnes, Vincent Hugeux, journaliste à L’Express fait un sort à la pseudo démocratie africaine.
Citons le passage le plus percutant du livre : « l’élection ne fait pas la démocratie. Laquelle suppose un système éducatif efficace, une justice indépendante, une administration impartiale, une presse libre, le respect du droit des minorités et un minimum de sécurité, physique comme alimentaire »(p. 12).En cinquante ans, l’Afrique n’a jamais compté autant de pays pourvus de systèmes politiques issus d’élections multipartistes. La grande majorité des pays africains tient régulièrement des élections nationales, régionales et locales, permettant – en principe librement – à leurs citoyens de choisir leurs dirigeants politiques et de garantir la légitimité des gouvernements. Le nombre croissant de participants aux élections n’est-il pas l’expression d’une parfaite adhésion à la démocratie élective ?
Pour V. Hugeux, il faut précisément se méfier de cette lecture étriquée, quantitative et à courte-vue. L’élection est une modalité de conquête du pouvoir qui assoit l’aura de respectabilité nécessaire pour négocier avec les partenaires étrangers mais ne conduit pas ipso facto à la stabilité. Au contraire, dans certains cas (Côte d’Ivoire en 2000 et 2010 ; Kenya en 2007 et 2008 ; Zimbabwe en 2007 ; République démocratique du Congo en 2011, Ouganda en 2011) elles ont plutôt suscité une rupture des règles institutionnelles, exacerbant les tensions sociales. L’identification ethnique tend alors à culminer à l’approche du scrutin, avec des « règlements de comptes » sur fonds de revendications foncières ou économiques. Les systèmes politiques où les perdants, sachant qu’ils seront négligés, exacerbent les discordes sous-jacentes. L’autre danger résulte de l’éventuel refus de leur défaite par les candidats sortants et s’efforcent de préserver le pouvoir par l’achat des voix, par la violence ou par tout autre moyen. Visiblement seuls quelques pays, telle la Zambie selon l’auteur, ont su transcender le clientélisme identitaire.
La démocratie, devenue une conditionnalité politique, souvent pensée sous la seule forme institutionnelle (multipartisme, élections libres), n’est pas la démocratisation qui elle est un processus endogène, domestiqué, fait de combats et de conquêtes et qui ne peut être imposé de l’extérieur. Mais ne faut-il pas aussi observer que les manifestations de protestation sociale sont malgré tout plus fréquentes depuis une décennie, et, plutôt que d’être seulement le signe d’une crise sociale profonde, peut-être traduisent-elles aussi l’émergence d’une démocratie du quotidien avec le renforcement de la société civile.
La violence d’État s’est atténuée en Afrique depuis une décennie, comme le résultat d’une conquête, et faveur des droits politiques et de la liberté d’expression. Les acteurs non étatiques jouent un rôle double : ils élargissent les possibilités d’engagement citoyen et font davantage pression pour tenir les gouvernements et institutions publiques responsables de leurs actes.
Avec le sens de la formule, Vincent Hugueux bat en brèche les arguments des Afro-optimistes, trop naïfs ou trop complaisants. Rien ne résiste à son analyse acerbe sur les errements de la classe politique africaine. Chacun a le loisir de la trouver excessive.