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AfricaFrance. Quand les dirigeants africains deviennent les maîtres du jeu
par Antoine Glaser - Paris, Fayard, 2014, 352p.
Un mot et une carte en couverture résument la thèse d’Antoine Glaser : la Françafrique est morte ; vive l’AfricaFrance ! Entre le colonisateur et le colonisé, le rapport de domination s’est inversé. Le temps n’est plus où la France tirait les ficelles en Afrique. Désormais, comme le précise le sous-titre de ce court essai, les dirigeants africains sont devenus « les maîtres du jeu ». Et une simple réalité géographique suffit à illustrer ce renversement : l’Afrique et ses 30 millions de km² – sans parler de son milliard d’habitants et de sa croissance à 5 % – pèse désormais plus lourd que la minuscule France.
Le spécialiste de la Françafrique, qui, avec son collègue Stephen Smith, a décrypté dans de nombreux ouvrages la politique africaine de la France, illustre cette thèse percutante à travers un premier chapitre consacré à Jacques Foccart et neuf autres à chacun de l’un des pays du « pré carré » français : Côte d’Ivoire, Congo, Niger, Tchad, Cameroun, Burkina Faso, Sénégal, Guinée, Gabon. Le procédé n’est pas sans défaut. Il a, certes, le mérite de la lisibilité. Dix chapitres, dix pays, c’est autant d’anecdotes égrainées, qui étaient jusqu’alors réservées aux lecteurs des pages confidentielles de La lettre du continent, dont A. Glaser fut le rédacteur en chef pendant trois décennies. On apprend notamment comment le Niger négocie à la hausse le prix de l’uranium qu’il livre à la France, comment Idriss Déby a su se rendre indispensable au règlement de la crise malienne ou à quel point Ali Bongo mène envers Paris une politique différente de celle de son père. En revanche, cette présentation fait l’impasse sur des pays aussi importants que le Mali, la République centrafricaine, les Comores ou Madagascar, sur lesquels il y aurait eu beaucoup à dire. En outre, en racontant une succession de relations bilatérales, avec leurs aléas et leurs nuances, A. Glaser fragilise sa thèse. Ainsi de la relation contrariée entre la France et Abdoulaye Wade : en voulant faire adouber son fils par la France, le président sénégalais a reproduit sans succès des comportements d’un autre âge où la légitimité d’un chef d’État africain était censée dériver du soutien que l’Élysée lui accordait.
A. Glaser a raison de souligner l’évolution de la relation franco-africaine. La donne a changé avec la mondialisation, l’irruption de nouveaux acteurs sur le continent africain – la Chine mais aussi le Brésil, la Turquie, les monarchies du Golfe, etc. –, la croissance et la paix restaurée sur le continent. Mais elle ne saurait se résumer au renversement d’un rapport de domination. Pas plus qu’hier la France ne tirait les ficelles en Afrique – A. Glaser rappelle lui-même dans son introduction que les premiers chefs d’État africains n’étaient ni des « pantins » ni des « béni-oui-oui » (p. 12) –, elle n’est pas devenue aujourd’hui l’obligée de l’Afrique. L’évolution est d’une nature différente : la relation, hier si forte, s’est distendue. L’Afrique s’est ouverte à de nouveaux partenaires. La France s’en est désintéressée. Ne fantasmons pas un rapport de domination qui n’a jamais existé, ni dans un sens ni dans un autre. Mais faisons le constat amer d’un divorce par consentement mutuel.
Le spécialiste de la Françafrique, qui, avec son collègue Stephen Smith, a décrypté dans de nombreux ouvrages la politique africaine de la France, illustre cette thèse percutante à travers un premier chapitre consacré à Jacques Foccart et neuf autres à chacun de l’un des pays du « pré carré » français : Côte d’Ivoire, Congo, Niger, Tchad, Cameroun, Burkina Faso, Sénégal, Guinée, Gabon. Le procédé n’est pas sans défaut. Il a, certes, le mérite de la lisibilité. Dix chapitres, dix pays, c’est autant d’anecdotes égrainées, qui étaient jusqu’alors réservées aux lecteurs des pages confidentielles de La lettre du continent, dont A. Glaser fut le rédacteur en chef pendant trois décennies. On apprend notamment comment le Niger négocie à la hausse le prix de l’uranium qu’il livre à la France, comment Idriss Déby a su se rendre indispensable au règlement de la crise malienne ou à quel point Ali Bongo mène envers Paris une politique différente de celle de son père. En revanche, cette présentation fait l’impasse sur des pays aussi importants que le Mali, la République centrafricaine, les Comores ou Madagascar, sur lesquels il y aurait eu beaucoup à dire. En outre, en racontant une succession de relations bilatérales, avec leurs aléas et leurs nuances, A. Glaser fragilise sa thèse. Ainsi de la relation contrariée entre la France et Abdoulaye Wade : en voulant faire adouber son fils par la France, le président sénégalais a reproduit sans succès des comportements d’un autre âge où la légitimité d’un chef d’État africain était censée dériver du soutien que l’Élysée lui accordait.
A. Glaser a raison de souligner l’évolution de la relation franco-africaine. La donne a changé avec la mondialisation, l’irruption de nouveaux acteurs sur le continent africain – la Chine mais aussi le Brésil, la Turquie, les monarchies du Golfe, etc. –, la croissance et la paix restaurée sur le continent. Mais elle ne saurait se résumer au renversement d’un rapport de domination. Pas plus qu’hier la France ne tirait les ficelles en Afrique – A. Glaser rappelle lui-même dans son introduction que les premiers chefs d’État africains n’étaient ni des « pantins » ni des « béni-oui-oui » (p. 12) –, elle n’est pas devenue aujourd’hui l’obligée de l’Afrique. L’évolution est d’une nature différente : la relation, hier si forte, s’est distendue. L’Afrique s’est ouverte à de nouveaux partenaires. La France s’en est désintéressée. Ne fantasmons pas un rapport de domination qui n’a jamais existé, ni dans un sens ni dans un autre. Mais faisons le constat amer d’un divorce par consentement mutuel.