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Africa Unite ! Une histoire du panafricanisme
par Amzat Boukari-Yabara - Paris, La Découverte, 2014, 320p.
Mouvement promouvant la solidarité entre Africains, le panafricanisme ne se laisse pas facilement circonscrire. Se réduit-il à un espace géographique – au risque d’ignorer les Africains de la diaspora ? ou à un phénotype – quitte à exclure les Africains blancs au Nord du continent ou au Sud ? Selon la définition qu’on lui donne, cette idéologie n’a ni la même date ni le même lieu de naissance. Comme l’écrit Amzat Boukari-Yabara dès l’introduction de son ouvrage, cette « énigme historique » est tout à la fois « un concept philosophique », « un mouvement sociopolitique » et « une doctrine de l’unité politique » (p. 5).
Cette définition ternaire annonce les trois parties de son livre, organisées selon un plan chronologique. Dans un premier temps, les théoriciens du pan-négrisme, tels Edward Blyden ou William Edward Burghardt Du Bois, encouragent une prise de conscience progressive de la « race nègre ». Ce mouvement n’est pas né en Afrique, mais dans la diaspora américaine ou caribéenne. Il connaît sa première manifestation avec l’organisation de la Conférence panafricaine de Londres, en 1900. Il se prolongera au XXe siècle avec la Renaissance noire à Harlem (années 1920) et le mouvement de la négritude (années 1930). Progressivement, cette prise de conscience philosophique se mue en projet géopolitique : « Back to Africa ! » devient le cri de ralliement des émigrationnistes qui, dénonçant les faux espoirs d’une intégration des Noirs au sein de la nation américaine, ne voient d’autre salut que leur retour vers la terre maternelle. Marcus Garvey, surnommé le « Moïse noir », est le défenseur le plus virulent de ce panafricanisme dans l’entre-deux-guerres. Mais l’échec de l’expérience libérienne – où des esclaves noirs affranchis avaient fondé un État indépendant dès 1847, avant d’exercer sur les populations locales une domination dont la cruauté n’avait rien à envier à celle des colons européens – et les progrès de l’intégration des Noirs en Amérique condamneront bientôt cette politique.
L’idée de retour en Afrique cède alors le pas à la revendication de la souveraineté (« Africa for the Africans »). Tandis qu’il semble atteindre son apogée – avec l’exposition coloniale de 1930 en France par exemple –, le colonialisme vacille déjà sur ses bases. Les quatorze points de Woodrow Wilson ou la Charte de l’Atlantique annoncent une décolonisation inéluctable. En outre, le mouvement n’est plus exclusivement promu par des Africains de la diaspora, comme le montre la liste des participants au congrès panafricain de Manchester, en 1945. Aux côtés de W.E.B. Du Bois et de George Padmore, émergent les figures de Kwame Nkrumah et de Jomo Kenyatta. Les Africains se libèrent de leurs chaînes et accèdent en quelques années à l’indépendance. Ayant ouvert la voie dès 1957, le Ghana indépendant aspire à devenir, selon les mots de K. Nkrumah, le « tremplin de l’indépendance et de l’unité africaines » (p. 142).
Mais – c’est le troisième temps de l’histoire du panafricanisme – l’indépendance des États africains ne débouche pas sur l’unité de l’Afrique. Les projets de regroupements régionaux font long feu, ainsi de l’éphémère Fédération du Mali ou de l’union Ghana-Guinée. À Addis Abeba, en 1963, K. Nkrumah et le groupe de Casablanca, qui appellent à l’unification immédiate de l’Afrique, sont mis en minorité. Le groupe de Monrovia l’emporte, avec la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), qui n’a de panafricaine que le nom. Le panafricanisme peine à survivre au coup d’État qui renverse K. Nkrumah en 1966. Il bascule en Afrique de l’Est avec Julius Nyerere, puis retraverse l’Atlantique pour se ressourcer dans la diaspora : Martin Luther King, Malcom X, le mouvement des Black Panthers, le reggae de Bob Marley, le quilombisme au Brésil, etc.
Où en est le panafricanisme aujourd’hui ? L’ouvrage d’A. Boukari-Yabara se conclut sur une note pessimiste. Malgré la fin de l’apartheid, la réalisation d’une organisation politique intégrée de tous les peuples d’Afrique est encore loin. Le remplacement de l’OUA par l’Union africaine, le lancement du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), voire l’élection de Barack Obama, ne doivent pas faire illusion.
Cette définition ternaire annonce les trois parties de son livre, organisées selon un plan chronologique. Dans un premier temps, les théoriciens du pan-négrisme, tels Edward Blyden ou William Edward Burghardt Du Bois, encouragent une prise de conscience progressive de la « race nègre ». Ce mouvement n’est pas né en Afrique, mais dans la diaspora américaine ou caribéenne. Il connaît sa première manifestation avec l’organisation de la Conférence panafricaine de Londres, en 1900. Il se prolongera au XXe siècle avec la Renaissance noire à Harlem (années 1920) et le mouvement de la négritude (années 1930). Progressivement, cette prise de conscience philosophique se mue en projet géopolitique : « Back to Africa ! » devient le cri de ralliement des émigrationnistes qui, dénonçant les faux espoirs d’une intégration des Noirs au sein de la nation américaine, ne voient d’autre salut que leur retour vers la terre maternelle. Marcus Garvey, surnommé le « Moïse noir », est le défenseur le plus virulent de ce panafricanisme dans l’entre-deux-guerres. Mais l’échec de l’expérience libérienne – où des esclaves noirs affranchis avaient fondé un État indépendant dès 1847, avant d’exercer sur les populations locales une domination dont la cruauté n’avait rien à envier à celle des colons européens – et les progrès de l’intégration des Noirs en Amérique condamneront bientôt cette politique.
L’idée de retour en Afrique cède alors le pas à la revendication de la souveraineté (« Africa for the Africans »). Tandis qu’il semble atteindre son apogée – avec l’exposition coloniale de 1930 en France par exemple –, le colonialisme vacille déjà sur ses bases. Les quatorze points de Woodrow Wilson ou la Charte de l’Atlantique annoncent une décolonisation inéluctable. En outre, le mouvement n’est plus exclusivement promu par des Africains de la diaspora, comme le montre la liste des participants au congrès panafricain de Manchester, en 1945. Aux côtés de W.E.B. Du Bois et de George Padmore, émergent les figures de Kwame Nkrumah et de Jomo Kenyatta. Les Africains se libèrent de leurs chaînes et accèdent en quelques années à l’indépendance. Ayant ouvert la voie dès 1957, le Ghana indépendant aspire à devenir, selon les mots de K. Nkrumah, le « tremplin de l’indépendance et de l’unité africaines » (p. 142).
Mais – c’est le troisième temps de l’histoire du panafricanisme – l’indépendance des États africains ne débouche pas sur l’unité de l’Afrique. Les projets de regroupements régionaux font long feu, ainsi de l’éphémère Fédération du Mali ou de l’union Ghana-Guinée. À Addis Abeba, en 1963, K. Nkrumah et le groupe de Casablanca, qui appellent à l’unification immédiate de l’Afrique, sont mis en minorité. Le groupe de Monrovia l’emporte, avec la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), qui n’a de panafricaine que le nom. Le panafricanisme peine à survivre au coup d’État qui renverse K. Nkrumah en 1966. Il bascule en Afrique de l’Est avec Julius Nyerere, puis retraverse l’Atlantique pour se ressourcer dans la diaspora : Martin Luther King, Malcom X, le mouvement des Black Panthers, le reggae de Bob Marley, le quilombisme au Brésil, etc.
Où en est le panafricanisme aujourd’hui ? L’ouvrage d’A. Boukari-Yabara se conclut sur une note pessimiste. Malgré la fin de l’apartheid, la réalisation d’une organisation politique intégrée de tous les peuples d’Afrique est encore loin. Le remplacement de l’OUA par l’Union africaine, le lancement du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), voire l’élection de Barack Obama, ne doivent pas faire illusion.