See English version below « Ça s’est passé comme ça ». Ceci...
Afghanistan au cur du chaos
Ariane Quentier Paris, Denoël, 2009, 357 p.
Olaf Caroe (1892-1981), l’avant dernier gouverneur britannique des zones pachtounes du Pakistan, avait écrit de manière prémonitoire : « À la différence des autres conflits, les guerres afghanes commencent quand elles sont terminées. »
En effet, pourquoi, malgré l’intervention des Occidentaux, les milliards de dollars injectés, le renversement du régime des talibans et l’instauration d’un régime qui se veut démocratique, la situation afghane ne cesse de se dégrader au point de pousser certains analystes à parler d’un « retour des talibans » ?
Le pays, qui est devenu le plus grand exportateur d’opium au monde, qui connaît une corruption générale, une influence croissante des seigneurs de la guerre et un contrôle du tiers de son territoire par les talibans peine à se relever.
Ariane Quentier tente de répondre à ces questions. Ancienne journaliste, employée à l’OTAN puis à l’ONU, elle travaille ensuite pour les programmes de désarmement du gouvernement afghan, puis pour le ministère de l’Intérieur.
Dans son ouvrage, qui oscille entre expériences personnelles et analyse globale, l’auteur critique les Américains qui ont préféré nouer des alliances avec des commandants locaux plutôt que de traiter avec un gouvernement militaire, entraînant la Coalition dans une série d’erreurs d’évaluations politiques et militaires, à commencer par le processus DDR (désarmement, démobilisation et réintégration), qui prévoyait la création d’une armée nationale. Mais dans un pays où des milliers de commandants ont vécu de la guerre depuis plus de vingt ans, un Afghanistan en paix signifierait la fin pour eux.
Autre problème majeur, les Nations unies, déployées en Afghanistan, devraient s’adapter à la volonté des autorités afghanes et à celle de leur président. Ils ne détiennent pas de pouvoir exécutif, alors que c’est le cas en Bosnie ou au Timor.
D’un point de vue sociologique, l’auteur développe, dans un intéressant chapitre, les conditions sociales des femmes afghanes, conditions (et droits) qui se dégradent sans cesse parallèlement à la détérioration de la situation du pays, et faute d’une politique cohérente.
Quant aux seigneurs de la guerre, toujours influents, corrompus et s’enrichissant du trafic d’opium, ils ont du mal à céder leurs zones d’influences aux forces de la Coalition ou au président Hamid Karzaï ironiquement surnommé « le maire de Kaboul ».
Profitant de cette situation délétère, les talibans regagnent du terrain, lentement mais sûrement, allant jusqu’à menacer par des attentats-suicides le centre de Kaboul. Dans ce contexte, les employés des ONG et autres instances en Afghanistan cherchent à fuir les lieux, et l’auteur précise à juste titre : « Dans ces conditions, nombreux des meilleurs finissent par quitter l’Afghanistan et la qualité du recrutement s’en ressent. »
Malgré une bonne analyse oscillant entre réflexions personnelles et approche sociopolitique, on peut regretter l’absence de « continuité » entre les chapitres, étanches entre eux. Ainsi nous passons du chapitre « les forces en présence » à celui intitulé « femmes, femmes, femmes », suivi des « seigneurs de la guerre », etc. Et l’ouvrage se clôt, sans conclusion, sur le chapitre concernant le conflit dans la zone afghano-pakistanaise et intitulé « AFPAK ». Mais il est vrai, qu’à l’image du « chaos afghan », il est difficile pour l’heure de trouver un fil directeur dans une situation confuse et en perpétuel changement.