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Accélération. Une critique sociale du temps
par Hartmut Rosa - Paris, La Découverte, coll. « Théorie critique », 2013, 474 p.
L’expérience majeure de la modernité est celle de l’accélération. Nous le savons et l’éprouvons chaque jour : dans la société moderne, « tout devient toujours plus rapide » (p. 7). Or, le temps a longtemps été négligé dans les analyses de la modernité au profit des processus de rationalisation ou d’individualisation. Dans cet ouvrage magistral, Hartmut Rosa expose les contours de sa théorie critique de la temporalité dans la modernité tardive. Sociologue et philosophe, professeur à l’Université d’Iéna et également directeur du Max-Weber-Kolleg de l’Université d’Erfurt, l’auteur fait partie d’une nouvelle génération de penseurs travaillant dans le sillage de la théorie critique de la célèbre École de Francfort. Il tente de comprendre le temps et son accélération à l’aune des innovations techniques, afin de pouvoir saisir toute la dynamique motrice de la modernité. Il propose non seulement de relire l’histoire moderne à la lumière du concept d’accélération sociale, mais encourage aussi le développement de recherches à portée critique. Sa réflexion ambitionne d’éviter que le projet de la modernité soit radicalement menacé par l’accélération.
En effet, la vie moderne est une constante accélération. Jamais les moyens permettant de gagner du temps n’avaient atteint pareil niveau de développement. Les individus des sociétés occidentales souffrent paradoxalement toujours plus du manque de temps et ont le sentiment de devoir courir toujours plus vite, non pas pour atteindre un objectif mais simplement pour rester sur place. De ce sentiment peut se dégager une impression d’être dépossédé de la maîtrise de sa propre existence. L’auteur décrit ainsi comment le rythme de vie accéléré, voire effréné de la modernité dévore tout sur son passage. Le temps est devenu une denrée rare et les individus ont parfois l’impression de maîtriser de moins en moins leurs destins. La vie moderne s’est mise au diapason de la vitesse. Les nouvelles et incessantes innovations techniques pour augmenter, par exemple, la production, intensifier la communication et accélérer les moyens de transport, nous permettent sans cesse de gagner du temps. Pourtant, grâce ou à cause de ces mêmes innovations, jamais nous n’avons été si peu disponibles. Cette accélération folle des rythmes de vie est comparée à un rouleau compresseur, à une force potentiellement totalitaire générant une profonde aliénation et de graves pathologies sociales comme le stress chronique, la dépression ou encore des épuisements mentaux et physiques. « Dans la modernité, les acteurs sociaux ressentent de manière croissante qu’ils manquent de temps et qu’ils l’épuisent. C’est comme si le temps était perçu comme une matière première consommable telle que le pétrole et qu’il deviendrait, par conséquent, de plus en plus rare et cher » (p. 231). Notre existence est rythmée par une cadence qui devient vite un engrenage implacable.
H. Rosa veut démontrer la pertinence des problématiques sociales et philosophiques engendrées par le processus d’accélération et ses conséquences dans la modernité. La manière dont le temps est sensoriellement conçu ou perçu par les individus et socialement structuré dans nos sociétés entrave lourdement le projet émancipateur de la modernité. Le présent raccourcit, s’enfuit et notre sentiment de réalité, d’identité s’amenuise dans un même mouvement. L’auteur soutient avec perspicacité, clairvoyance et acuité l’idée que l’accélération produit, en fin de compte, de terribles formes d’aliénation relatives au temps et à l’espace, aux choses et aux actions, à soi et aux autres. Le projet de modernité, exprimé in fine par le principe de la division du travail, enfoui dans le cœur même de l’œuvre de Karl Marx, puis savamment déniché par H. Rosa, risque d’entraver la société moderne dans sa quête d’émancipation. L’effet pervers de l’accélération sociale comme conséquence des innovations techniques représente, pour l’individu, une perte progressive de son autonomie et de son autodétermination.
En effet, la vie moderne est une constante accélération. Jamais les moyens permettant de gagner du temps n’avaient atteint pareil niveau de développement. Les individus des sociétés occidentales souffrent paradoxalement toujours plus du manque de temps et ont le sentiment de devoir courir toujours plus vite, non pas pour atteindre un objectif mais simplement pour rester sur place. De ce sentiment peut se dégager une impression d’être dépossédé de la maîtrise de sa propre existence. L’auteur décrit ainsi comment le rythme de vie accéléré, voire effréné de la modernité dévore tout sur son passage. Le temps est devenu une denrée rare et les individus ont parfois l’impression de maîtriser de moins en moins leurs destins. La vie moderne s’est mise au diapason de la vitesse. Les nouvelles et incessantes innovations techniques pour augmenter, par exemple, la production, intensifier la communication et accélérer les moyens de transport, nous permettent sans cesse de gagner du temps. Pourtant, grâce ou à cause de ces mêmes innovations, jamais nous n’avons été si peu disponibles. Cette accélération folle des rythmes de vie est comparée à un rouleau compresseur, à une force potentiellement totalitaire générant une profonde aliénation et de graves pathologies sociales comme le stress chronique, la dépression ou encore des épuisements mentaux et physiques. « Dans la modernité, les acteurs sociaux ressentent de manière croissante qu’ils manquent de temps et qu’ils l’épuisent. C’est comme si le temps était perçu comme une matière première consommable telle que le pétrole et qu’il deviendrait, par conséquent, de plus en plus rare et cher » (p. 231). Notre existence est rythmée par une cadence qui devient vite un engrenage implacable.
H. Rosa veut démontrer la pertinence des problématiques sociales et philosophiques engendrées par le processus d’accélération et ses conséquences dans la modernité. La manière dont le temps est sensoriellement conçu ou perçu par les individus et socialement structuré dans nos sociétés entrave lourdement le projet émancipateur de la modernité. Le présent raccourcit, s’enfuit et notre sentiment de réalité, d’identité s’amenuise dans un même mouvement. L’auteur soutient avec perspicacité, clairvoyance et acuité l’idée que l’accélération produit, en fin de compte, de terribles formes d’aliénation relatives au temps et à l’espace, aux choses et aux actions, à soi et aux autres. Le projet de modernité, exprimé in fine par le principe de la division du travail, enfoui dans le cœur même de l’œuvre de Karl Marx, puis savamment déniché par H. Rosa, risque d’entraver la société moderne dans sa quête d’émancipation. L’effet pervers de l’accélération sociale comme conséquence des innovations techniques représente, pour l’individu, une perte progressive de son autonomie et de son autodétermination.