L’ouvrage de Gavin Menzies est-il une énorme farce reposant sur des interprétations tronquées, ou au contraire l’une des plus importantes découvertes, susceptible de réécrire l’histoire du monde des cinq derniers siècles ? Entre ces deux extrêmes, les avis sont très partagés. Publié en Anglais en 2003, vendu à plus d’un million d’exemplaires et traduit dans plus de 25 langues, 1421 a tardé à attirer l’attention des éditeurs français, sans doute un peu hésitants devant le sujet. C’est que la thèse soutenue par l’auteur, selon laquelle des navigateurs chinois auraient, bien avant Colomb, Magellan ou Cook, exploré le monde et installé des colonies sur tous les continents, a fait beaucoup parler d’elle, soulevant l’indignation de certains, attirant les louanges d’autres.
En 1421, sous la direction de l’empereur Zhu Di et de son amiral Zheng He, quatre amiraux peu connus à échelle internationale, Hong Bao, Zhou Man, Zhou Wen et Yang Qing (ce dernier étant le plus célèbre, grâce à ses périples dans l’Océan Indien), auraient embarqué à bord de navires gigantesques, avec pour objectif d’explorer le monde et, par la suite, d’y apporter la civilisation chinoise. Mais les troubles politiques des premières décennies de la dynastie Ming, associés au souhait des fonctionnaires impériaux (les mandarins) de privilégier les affaires intérieures, eurent finalement raison des désirs de conquêtes. La Chine s’enferma dès lors dans un isolationnisme qui la conduisit lentement vers sa décadence, tandis que l’Europe, pourtant si en retard au Xvème siècle, s’étendait sur tous les continents, et dominait le monde. Toutes les traces des expéditions furent pour leur part détruites, et les installations navales laissées à l’abandon. Ne subsiste quasiment aucun témoignage de ces voyages fantastiques.
G. Menzies a mené une enquête sur dix ans, qui l’a conduit à passer des heures dans les bibliothèques de multiples pays à la recherche d’indices, mais aussi à l’écoute des témoignages et des multiples sources permettant de bâtir sa thèse. Parti de l’intuition du marin passionné par les cartes anciennes, G. Menzies s’est toujours interrogé comment les explorateurs européens avaient-ils pu, lors de leurs premiers voyages, partir avec des cartes d’une précision étonnante, représentant des continents où ils étaient censés être arrivés les premiers. La suite est une longue enquête, qui nous conduit devant une étonnante stèle dans les îles du Cap Vert, ou nous emmène sur les côtes californiennes et mexicaines, dans le sud de la Nouvelle-Zélande et chez les peuples aborigènes australiens. Des peuples qui présentent des traces ADN en provenance de Chine, des épaves retrouvées dans des régions que les Occidentaux ne découvrirent que des siècles plus tard, des plantes et des animaux venus d’ailleurs que les Européens découvrirent à leur arrivée, et que seuls des navires gigantesques auraient pu apporter. La version française de cet ouvrage a l’immense mérite de proposer une très longue postface, dans laquelle G. Menzies complète la plupart des sujets qu’il aborde dans son livre, apportant de nouvelles preuves, et revenant avec force détail sur les péripéties de sa thèse, que de nombreux universitaires occidentaux continuent de dénigrer.
L’ensemble est d’une étonnante cohérence. Bien sûr, quelques détails ça et là semblent être d’avantage tirés de son interprétation que de faits incontournables, mais il est difficile de contester que quelque chose à dû se produire en cette fameuse année 1421. Et ce quelque chose, fut-il aussi important que G. Menzies l’affirme, n’en est pas moins un événement considérable, qui devrait inviter historiens, anthropologues, cartographes, géographes, botanistes , météorologistes et autres à pousser les recherches, pour voir à quoi ont vraiment pu ressembler ces flottes, et où sont-elles allées.