Depuis quelques années, plusieurs pays d’Afrique francophone sont le théâtre de protestations qui, sous diverses formes, expriment un désaveu croissant envers la présence et les politiques françaises sur le continent. S’accompagnant souvent de slogans tels que « France dégage », elles seraient les manifestations tangibles d’un malaise profond qui s’installe entre Paris et certaines de ses anciennes colonies, que les médias et cercles politiques français ont rapidement qualifié de « sentiment antifrançais ». Ainsi ce concept est-il apparu comme prisme d’analyse incontournable de ces dynamiques. Pourtant, cette expression, sa genèse et sa nature réelle sont encore trop rarement questionnées, alors que son utilisation ne manque pas d’interroger. Ce « sentiment », terme que les Africains n’utilisent par ailleurs pas, est-il comme son nom l’indique le produit d’une réaction émotionnelle spontanée, ou le reflet de positionnements politiques et sociaux plus profonds ? S’agit-il plutôt d’une méconnaissance des rythmes et logiques des sociétés africaines ou d’une incompréhension de ces mouvements de contestations de la part des décideurs politiques ? Dans tous les cas, la question semble devenue structurante des relations entre la France et une partie de l’Afrique francophone.
Ce dossier se propose d’interroger et de déconstruire cette commodité langagière qu’est devenu le «sentiment antifrançais» à travers une analyse pluridisciplinaire. En analysant ses ressorts et en cherchant à éviter les écueils simplificateurs, il vise à en explorer les origines et les mécanismes sous-jacents, à en clarifier les termes et à ouvrir des perspectives de réflexion au sujet des dynamiques complexes qui sous-tendent les relations franco-africaines dans leurs dimensions historiques comme contemporaines.