ANALYSES

Essai nucléaire de la Corée du Nord : une riposte américaine «ouvrirait la boîte de Pandore»

Presse
3 septembre 2017
Comment analysez-vous ce dernier essai nucléaire nord-coréen, onze ans après la première expérimentation ?

Nous sommes tout d’abord dans la continuité des essais nucléaires nord-coréens depuis onze ans. C’est un temps que l’on peut qualifier de « normal » pour le développement de ce type de programme. Il y a cependant aujourd’hui un saut qualitatif avec une bombe thermonucléaire. La secousse sismique qui a été enregistrée par les pays voisins de la Corée du Nord révèle une grosse puissance. On a affaire ici à une grosse bombe.

Comment qualifieriez-vous les réactions internationales, et notamment la « condamnation vigoureuse » de la Chine ?

Tout d’abord, une précision : dire que la Chine est une alliée de la Corée du Nord est faux. Il y a eu des alliances, mais ces deux pays ne sont pas des alliés. Par ailleurs, la Chine a récemment changé d’attitude par rapport à ce pays. La Chine a suspendu ses importations de charbon en provenance de Corée du Nord en février 2017 après un tir de missile nord-coréen. Elle a frappé durement Pyongyang, car elle l’a privé d’une de ses sources de revenus principales. Par ailleurs, le 11 août, elle a affirmé qu’elle resterait neutre en cas d’attaque de la Corée du Nord sur les États-Unis. C’est un changement par rapport aux années où la Chine assurait la Corée du Nord de son soutien éternel. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir ce qu’ont reçu les Chinois des Américains en échange de ce changement d’attitude… Enfin, la Chine n’a aucune envie de recevoir sur son sol cinq millions de réfugiés nord-coréens en cas de conflit, qui seraient autant de bouches à nourrir. Elle a d’ailleurs renforcé ses troupes à la frontière avec la Corée du Nord.
Du côté des Américains, si les déclarations et l’attitude de Donald Trump sont brutales, il a cependant obtenu de la Chine plus que ses prédécesseurs qui ont laissé faire sur la Corée du Nord depuis 1993. Pour ce président des Etats-Unis, l’option militaire reste possible, avec des frappes chirurgicales sur la table. Il a par ailleurs donné son accord pour l’achat par la Corée du Sud d’équipements militaires américains après un tir d’un missile nord-coréen au-dessus du Japon mercredi. Les tensions servent aussi le business…

Comment voyez-vous l’évolution de la situation dans cette région ?

Il peut y avoir plusieurs possibilités. J’ai parlé des frappes chirurgicales américaines qui sont sur la table. Mais cette option ouvrirait la boîte de Pandore. Le régime de Kim Jong-un pourrait alors lancer de nouvelles hostilités, les frappes étrangères lui conférant une légitimité auprès de son peuple. Je pense à une autre option. Le développement du programme nucléaire par la Corée du Nord est, nous l’oublions souvent, réalisé largement pour des motivations intérieures. Kim Jong-un veut être perçu comme le protecteur de son peuple. La bombe nucléaire acquise, on peut imaginer une désescalade, le régime se disant : « Nous avons la bombe, personne ne nous attaquera désormais grâce à la dissuasion. Nous n’avons donc pas besoin d’aller plus loin. »
Certains analystes estiment que la Corée du Nord est incapable de fabriquer une bombe thermonucléaire et la miniaturiser pour pouvoir l’installer sur un missile qui frapperait la Corée du Sud ou le Japon.

Qu’en pensez-vous ?

Cette miniaturisation est seulement une question de temps. Le problème est que l’on ne sait pas intercepter un missile quand il est en phase balistique, c’est-à-dire quand il est hors de l’atmosphère. On ne sait les intercepter qu’au lancement et quand ils retombent.
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