Terrorisme : un horizon indépassable ?
Le terrorisme est bel et bien devenu le point focal des préoccupations des citoyens occidentaux, de leurs responsables politiques et des médias. Il ne faudrait cependant pas oublier qu’il frappe également ailleurs et de façon encore plus mortelle, même si les médias occidentaux en font moins écho. Il ne faut pas davantage en tirer de mauvaises conclusions. Si les attentats sont bien commis par des individus se réclamant de l’islam (et donc il s’agit bien de « terrorisme islamique »), l’ensemble des musulmans n’en est pas pour autant responsable, pas plus que l’ensemble des Occidentaux n’est coupable des agissements du Ku Klux Klan ou d’Anders Breivik. Les musulmans vivant en Europe font également partie des victimes directes de ces attentats… L’État islamique a précisément pour objectif de montrer aux musulmans qu’ils n’ont pas leur place au sein des pays occidentaux. Ainsi, leur faire peser le poids d’une responsabilité collective, comme le font certains, revient à tomber dans le piège que nous tend l’organisation terroriste.
En France, récemment et à plusieurs reprises, des individus se sont attaqués aux forces de l’ordre ou ont tenté de foncer avec leur véhicule sur la foule. Il s’est avéré qu’ils n’avaient aucune revendication politique ou religieuse : c’était de simples déséquilibrés mentaux, imitant ce qu’ils voient à la télévision ou sur leur ordinateur, écoutent à la radio et lisent dans les journaux. C’est dans cet esprit que le ministre français de l’Intérieur, Gérard Collomb, souhaite un contrôle plus attentif des psychiatres dans la lutte contre le terrorisme. C’est l’illustration tragique de la responsabilité des médias et commentateurs publics. Il est indispensable de parvenir à une réflexion collective. Il convient de se demander si l’importance conférée au terrorisme, par les responsables politiques et au sein des médias, n’est pas excessive.
À trop parler de terrorisme, nous risquons de commettre une triple erreur : leur conférer une victoire symbolique importante en nous chargeant de leur propre communication ; créer un climat anxiogène chez les citoyens (car c’est bien la terreur et la peur que veulent répandre les terroristes) ; susciter des nouvelles vocations auprès d’individus déséquilibrés qui veulent avoir leur quart d’heure de gloire ou, qui n’ayant pas donné un sens à leur vie, souhaitent en donner à leur mort.
Le responsable suédois des services de sécurité, Anders Thornberg, a évoqué une « nouvelle normalité ». Les attentats feraient ainsi désormais partie du paysage quotidien. Mais, s’il ne faut pas nier cette menace, il faut bien comprendre qu’elle n’est pas existentielle. L’État islamique peut frapper, tuer, mais ne peut pas prendre le contrôle de nos sociétés. Ses membres représentent « simplement » un défi sécuritaire auquel nous devons faire face, comme nous faisons face à de nombreux autres défis mortels. En matière de terrorisme, il n’existe pas de risque zéro. C’est indirectement donner raison aux terroristes d’en faire l’horizon indépassable de nos commentaires. Cette menace existe certainement encore pour longtemps. La vigilance, nécessaire à notre protection, ne doit pas nous induire à entreprendre des actions qui entretiennent le phénomène au motif de le combattre. Ce fut notamment le cas de la guerre d’Irak et de l’intervention militaire en Libye.
Céder à la panique et modifier son mode de vie, en renonçant, par exemple, aux promenades en ville, aux verres en terrasses, aux spectacles ou aux matchs de football, serait un aveu de faiblesse et une erreur. Les Barcelonais ont eu une réaction extraordinaire de courage et de dignité. Meurtris, ils ont repris le cours normal de leur vie, tout en prenant de nouvelles mesures de sécurité. C’est à juste titre que la maire de Barcelone, Ada Colau, a déclaré : « La terreur ne parviendra pas à ce que nous cessions d’être ce que nous sommes : une ville ouverte au monde, courageuse et solidaire. »