04.11.2024
Macron, le gaullo-mitterandisme et sa limite
Édito
21 juillet 2017
Victorieux de Marine Le Pen, il rassurait les capitales étrangères sur la poursuite d’une politique française pro-Europe et pro-mondialisation, et d’une société apaisée. Peu connu et donc suscitant la curiosité optimiste, souriant et captant la lumière, il fut au centre des attentions au sommet du G7 et de l’OTAN.
Les propos dithyrambiques tenus par Donald Trump de retour de Paris à l’égard d’Emmanuel Macron semblent justifier son invitation, contestée par certains, au défilé du 14 juillet. Et également la stratégie choisie de ne pas le prendre frontalement et de jouer sur son ego.
Emmanuel Macron s’était montré ferme auparavant, tout d’abord en résistant au bras de fer physique imposé par le président américain en marge du sommet de l’OTAN mais surtout en enregistrant une vidéo en français et en anglais pour critiquer sa décision de sortir de l’accord de Paris. Ce choix était d’ailleurs l’un des arguments mis en avant pour ne pas inviter Donald Trump. D’autres raisons existent, liées tout simplement au caractère catastrophique et très réactionnaire de la politique du président américain. Mais le fait d’avoir de nombreux différends ne doit pas empêcher de se voir, ni effacer le rôle historique des États-Unis à nos côtés dans la première guerre mondiale. On peut trouver Donald Trump très désagréable, il n’empêche qu’il est impossible d’ignorer les États-Unis. Faire preuve d’ouverture et de bonne volonté à l’égard de ce pays peut éventuellement renforcer notre position lorsqu’il s’agira d’être plus ferme. Ce qu’il faudra sans doute faire à un moment ou à un autre.
L’invitation faite à Vladimir Poutine de venir à Versailles, à l’occasion du 300ème anniversaire de l’ouverture des relations diplomatiques entre la France et la Russie, fut un autre moment clé.
En invitant le président russe, Emmanuel Macron n’a pas tenu compte des rancœurs personnelles qu’il pouvait avoir du fait des interférences russes pendant la campagne électorale française. Surtout, il n’a pas craint d’affronter l’opprobre médiatique que suscite en France toute relation avec Vladimir Poutine. Cela ne l’a pas empêché d’avoir une relation ouvertement calée sur les rapports de force que ce dernier pratique et apprécie.
Dans les deux cas, Emmanuel Macron s’est bien inscrit dans une ligne gaullo-mitterrandienne qu’il revendique. Allié mais non-aligné sur les Etats-Unis, ouvert et décomplexé face à Moscou, il s’est de surcroit adapté au tempérament de chacun de ses deux interlocuteurs : câlinothérapie pour Trump, franchise brutale avec Poutine.
La rencontre avec Benyamin Netanyahou est d’un autre ordre.
Benyamin Netanyahou avait en effet grossièrement séché la conférence internationale pour la paix au Proche-Orient organisée par la France en janvier 2016. Le chef du gouvernement israélien s’oppose nettement à tout accord de paix et intensifie la colonisation israélienne en Palestine. Il est à la tête d’un gouvernement de droite et d’extrême droite. On pourrait ajouter les attaques qu’il avait lancé à l’encontre de Yitzhak Rabin avant son assassinat et qui avaient conduit Léa Rabin à toujours refuser de lui serrer la main après. Là encore, quelle que soit l’ampleur des divergences que les autorités françaises peuvent avoir avec le premier ministre israélien, il est tout simplement impossible de l’ignorer. Le principe de réalité doit prévaloir : on parle avec tous ceux qui comptent.
Mais parler ne signifie pas passer sous silence les divergences aussi bien avec Poutine, Trump et, également, Netanyahou. Et si le président français a rappelé son opposition à la colonisation israélienne, il ne semble tirer aucune conséquence du fait que le gouvernement israélien la poursuive allègrement. On peut recevoir Netanyahou mais, face à tout ce qui devrait nous séparer, faut-il lui donner du « Cher Bibi » ?
L’autre point gênant concerne le moment choisi. Recevoir Netanyahou, certes. Le faire au moment de la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv est plus discutable. Cela contribue à assimiler juifs français et Israéliens. Emmanuel Macron a bien fait de rappeler la responsabilité de la France dans la déportation des juifs. De Gaulle et Mitterrand affirmaient que la France n’était pas responsable parce que Vichy ne représentait pas la France. Dans un discours habile, Emmanuel Macron n’a pas critiqué leur position, peut-être nécessaire à l’époque, pour reconstruire un récit national. Mais la vérité, c’est que ce sont bien des fonctionnaires français obéissant à des autorités françaises qui ont déporté les juifs. Ce n’est pas là qu’Emmanuel Macron se distingue fondamentalement de Mitterrand et de De Gaulle. Il s’en écarte en prenant sur le conflit israélo-palestinien et ses conséquences en France, les positions du Crif, également pour plaire à cette institution, en invitant Netanyahou à la commémoration du Vél d’Hiv qui, contrairement à la fin de la première guerre mondiale, devrait être une affaire franco-française.
De même, l’assimilation entre antisémitisme et antisionisme, thèse qui ne résiste ni à l’histoire ni aux réalités contemporaines, semble être reprise avant tout pour faire plaisir au Crif.
Pour des raisons de politique intérieure, sur le conflit du Proche-Orient, Emmanuel Macron s’est écarté de la ligne du gaullo-mitterrandisme qu’il revendique – et incarne – par ailleurs.