21.11.2024
Venezuela : « C’est l’escalade des deux côtés »
Presse
19 juillet 2017
Ce référendum n’a pas de valeur légale. Il a été organisé par l’opposition, donc il n’y aura pas de conséquence concrète dans les institutions vénézuéliennes. Mais il a une valeur politique évidente à 15 jours du vote de l’assemblée constituante de Nicolas Maduro. Il s’agit d’une démonstration de force réussie pour l’opposition. Elle a montré qu’elle était capable de mobiliser ses troupes, avec plus de sept millions de participants et plus de 95% d’entre eux qui ont voté contre la réforme de la constitution.
Que penser des dernières déclarations de l’opposition, de ce référendum à la nomination de juges, en passant par la proclamation d’un gouvernement d’union nationale ?
Il s’agit de la suite logique d’un véritable bras de fer. Cet affrontement s’est cristallisé à partir du dérèglement des institutions et des cycles électoraux qui a commencé en 2013. Cette année-là, Nicolas Maduro est élu à la succession d’Hugo Chavez. En 2015, les élections législatives donnent les deux tiers des sièges à l’opposition. Depuis 2016, Maduro n’a donc eu qu’un seul objectif : retarder la tenue de toutes les élections prévues, comme les élections régionales de décembre 2016, repoussées à la fin d’année 2017.
Ce référendum sera-t-il maintenu, comme l’assure le gouvernement vénézuélien ?
C’est fort probable, ce qui risque de ne pas apaiser les tensions. Pour un apaisement, il faudrait trouver des compromis, mettre de l’eau dans son vin. Alors que là, on se retrouve dans une situation où chaque côté semble se radicaliser. Il y a eu une réponse intolérante (le référendum et la proclamation d’un gouvernement d’union nationale) à des décisions intolérantes (la volonté de Maduro de réduire au silence le parlement d’opposition en 2015). Toute tentative de médiation est donc aujourd’hui compliquée, d’autant plus que c’est devenu une affaire régionale.
Justement, quel rôle jouent les Etats étrangers ? Que penser en particulier des récentes critiques de Donald Trump ?
Pour ce qui est de Trump, on peut affirmer qu’il est dans la droite ligne de la politique américaine. On émet des critiques, on annonce des sanctions, mais celles-ci ne visent que des personnes. Elles ne sont jamais suivies d’effets sur les relations bilatérales entre les deux pays, qui commercent encore énormément (le Venezuela est le troisième fournisseur de pétrole des Etats-Unis).
D’autres pays sont également impliqués, au premier rang desquels la Colombie. Le Venezuela est son deuxième partenaire commercial, puisqu’il achète tous ses biens de consommation là-bas. Les deux pays sont donc intimement liés, d’autant plus que la Colombie a désormais accueilli plus d’un million de réfugiés économiques. Le président colombien Juan Manuel Santos s’est rendu à Cuba ces derniers jours, probablement pour chercher une médiation. On connaît le rôle qu’a pu jouer La Havane dans les dernières négociations de paix en Amérique du Sud, notamment entre la Colombie et les Farc. Il y a sans doute une demande de la Colombie que Cuba intervienne à nouveau.
Pour ce qui est du Canada, du Mexique, mais aussi du Chili ou du Brésil, par exemple, on a plutôt tendance à suivre la ligne de Luis Almagro, l’actuel président de l’Organisation des Etats américains. Cette orientation, bien plus critique de Nicolas Maduro, ne répond pas vraiment à ce qu’on peut attendre d’une organisation internationale, à savoir une volonté de compromis et de paix.
Enfin, le Saint-Siège joue également un rôle important. La visite du Pape en Colombie, en septembre, devrait ouvrir une nouvelle fenêtre d’opportunité pour un apaisement. Le pape François a d’ailleurs reçu des évêques vénézuéliens récemment. Il peut également compter sur les conseils du cardinal Pietro Parolin, son actuel secrétaire d’Etat qui avait été nonce apostolique à Caracas. Il reste très concerné par l’Amérique latine, il est donc possible qu’il reprenne son bâton de pèlerin et œuvre pour une médiation au Venezuela.
Un tel apaisement semble-t-il possible aujourd’hui ?
Malheureusement, non. Il va déjà falloir passer le cap du mois de juillet, qui risque d’être marqué par une recrudescence des violences jusqu’à l’élection de la constituante. Non seulement le gouvernement et l’opposition ne semblent pas prêts à s’entendre, mais en plus cette dernière est encore très divisée. D’abord, il y a les anciens électeurs chavistes, qui n’ont pas réellement rejoint l’opposition mais qui ne soutiennent plus vraiment le gouvernement. Ensuite, il y a tous ceux qui ont voté avec leurs pieds, et qui continuent à le faire en s’exilant dans les pays voisins. Enfin, il y a une opposition forte mais très diverse, allant de l’extrême gauche la plus radicale à la droite ultralibérale.
Cela explique d’ailleurs les dissonances au sein de l’opposition, qui peut dans la même semaine convoquer un référendum pour s’opposer à un gouvernement qu’il juge antidémocratique et annoncer la constitution d’un gouvernement parallèle, ce qui est, précisément, en dehors du jeu traditionnel des institutions.
Propos recueillis par Martin Lavielle