ANALYSES

Que retenir du dernier sommet du G20 à Hambourg ?

Interview
11 juillet 2017
Le point de vue de Sylvie Matelly
Le week-end dernier, le G20 s’est réuni à Hambourg en Allemagne, dans un contexte de divergences entre dirigeants et de manifestations violentes. Le point de vue de Sylvie Matelly, directrice adjointe de l’IRIS.

Concrètement aujourd’hui, quelle est « l’utilité » du G20 ?

Le G20 permet d’avoir une discussion régulière entre les grands dirigeants de la planète, surtout dans un contexte où la gouvernance internationale reste « compliquée ». Néanmoins, on peut se demander : pourquoi se réunir à seulement 20 États et pourquoi ceux-là ?

L’origine de ce type de format de discussion remonte aux années 1960 lorsque Valérie Giscard d’Estaing, à l’époque ministre des Finances, s’était trouvé confronté à la coordination insuffisante des Etats face aux déséquilibres financiers. Lorsque le système monétaire international issu de Bretton Woods s’est effondré en 1973, suite à la décision du président Richard Nixon en 1971 de suspendre la convertibilité or du dollar, la chute du cours du dollar a clairement mis l’économie mondiale en danger. Devenu président de la République française, Giscard d’Estaing a invité ses partenaires des six plus grands pays occidentaux à Rambouillet pour en discuter : ce fut le premier G6. Le sommet s’est ensuite élargi en G8 à la fin des années 1980, notamment avec l’inclusion de la Russie, puis en G20 à la fin des années 1990. Le G20 était alors une réunion des ministres des Finances ayant pour principal objectif de lutter contre la crise asiatique. En novembre 2008, il est véritablement devenu une réunion des chefs d’État dont l’urgence était de « sauver » une économie mondiale au bord du gouffre suite à la faillite de la Banque Lehman. Lors des réunions de Washington en 2008, puis de Londres ou de Pittsburg en 2009, sont rappelés l’attachement au libre-échange et la nécessité de construire les conditions d’une croissance durable et soutenable. Le G20 va alors s’appliquer à stabiliser le système financier mondial en créant un Financial Stability Board pour limiter le shadow banking et autres points noirs du système (la résilience) ; à réduire les inégalités (économiques, sociales, de genre – la soutenabilité) ; et à tenter d’éradiquer certaines pratiques critiquables, voire condamnables (lutte contre les paradis fiscaux, la corruption, etc. – la responsabilité).

Pour autant, le plus médiatisé lors d’un G20 n’est pas tant les discussions mises à l’agenda mais plutôt les rencontres bilatérales qui peuvent avoir lieu entre deux chefs d’Etat en marge du sommet.

Quelle vision économique est aujourd’hui mise en avant par les dirigeants du G20 ? N’est-elle pas en profond décalage avec la société, comme peuvent le suggérer les manifestations à Hambourg ?

En 2008, l’élément clef de la déclaration finale de la conférence de Washington était la lutte contre le protectionnisme. Cela s’expliquait par la comparaison faite entre la crise de 2008 et celle de 1929, lors de laquelle trois erreurs avaient été commises par les dirigeants de l’époque. La première était l’absence de coordination. En conséquence, la deuxième erreur a été l’imposition de règles pour protéger les économies nationales vis-à-vis des concurrents extérieurs. Enfin, la troisième erreur a été de laisser des institutions financières américaines faire faillite, ce qui avait entraîné l’économie mondiale dans le chaos. Pour les États-Unis, la crise de 1929 reste la principale cause de l’arrivée des Nazis au pouvoir en Allemagne et donc de la Seconde Guerre mondiale. Pour ne pas répéter ces erreurs en 2008, le G20 a voulu affirmer dès sa première réunion sa capacité de coordination et surtout sa résistance à la tentation de mesures de protectionnistes. Cela a été rappelé dans chaque déclaration finale de tous les G20 depuis lors.

Avec l’arrivée de Donald Trump, on pouvait craindre que le G20 d’Hambourg subisse un affaiblissement de son message libre-échangiste, puisque le président états-unien a affiché sa volonté d’avoir une ouverture économique plus pragmatique et au service de son pays. Finalement, ce sommet du G20 s’en sort plutôt bien puisque la déclaration finale réaffirme en priorité la lutte contre le protectionnisme. Une référence est même faite à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui est important compte-tenu du contexte actuel dans lequel l’OMC est très affaiblie par la multiplication d’accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux en dehors de son enceinte. Trump a toutefois réussi à imposer la possibilité de réagir si jamais certains pays ne respectaient pas les règles du commerce mondial (ce qui, suivant les interprétations qui seront faites de ce communiqué, peut lui laisser le champ libre pour imposer ce qu’il veut à condition d’afficher son attachement au libre-échange !). Un compromis a donc été trouvé pour permettre la rédaction du communiqué mais cela a nécessité une réelle concession accordée au président des Etats-Unis. Le même type de compromis a été habilement rédigé sur le climat avec, là-encore, une concession importante accordée à monsieur Trump en incluant dans le communiqué final le sujet des énergies fossiles.

Par ailleurs, le message du G20 semble contradictoire avec les évènements d’Hambourg. Les manifestants se sont opposés violemment à la mondialisation et à l’idée que de grands dirigeants puissent prendre des décisions pour le collectif. Néanmoins, ces manifestations sont beaucoup moins consensuelles que ne l’étaient celles de Seattle en 1999. À l’époque, plusieurs ONG et groupes d’intérêts avaient manifesté contre la marche jugée forcée de la mondialisation. Les manifestants d’Hambourg semblent beaucoup moins organisés, sans revendications claires. D’ailleurs, leur violence presque caricaturale peut étonner étant donné que pour une fois, les dirigeants du G20 n’apparaissent pas aussi soudés que par le passé. Il aurait été plus cohérent de manifester lorsque le consensus du G20 était plus fort.

Ce G20 à Hambourg a-t-il confirmé l’isolement de Donald Trump sur la scène internationale ?

Oui, très clairement, notamment sur la question climatique. Une référence directe a notamment été faite au retrait des États-Unis de l’Accord de Paris et l’engagement sur celui-ci n’a été réaffirmé que pour 19 pays. Toutefois, Donald Trump ne s’en sort pas si mal que cela puisqu’il a réussi à négocier des compromis et à imposer la prise en compte de sa différence dans le communiqué final. Il apparaît à l’issue de ce sommet que le président des Etats-Unis ne lâche rien dans les négociations qu’il engage, parvenant à faire plier in fine la volonté de ses adversaires, y compris lorsqu’ils sont 19. Ainsi, certes Trump est isolé mais il sait gérer cette position pour en faire une force, notamment grâce à la négociation frontale, parfois de force. Il a par exemple semblé plus à l’aise avec Vladimir Poutine lors d’une discussion de 2h15 qu’avec le président chinois qui, lui, est davantage policé dans la négociation.
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