ANALYSES

Défense : un nouvel élan pour l’Europe ?

Interview
30 juin 2017
Le point de vue de Olivier de France
Jeudi 22 juin, Emmanuel Macron a assisté à son premier Conseil européen. Parmi les dossiers majeurs, celui de la défense et de la sécurité. Le point de vue d’Olivier de France, directeur de recherche à l’IRIS.

La défense peut-elle générer un nouvel élan au niveau européen ?

Il s’agit d’une question intéressante. Par le passé, on pensait la défense comme le fruit de l’intégration politique européenne. Aujourd’hui, la défense est présentée comme vectrice de l’intégration politique européenne. Est-ce donc plutôt « l’Europe, nouvel élan pour la défense ? » ou « la défense, un nouvel élan pour l’Europe ? ». Il y a là comme un retournement du discours politique et il n’est pas certain que cela soit une bonne chose.

L’action des chefs d’État et de gouvernement européens, qui a été lacunaire ces dernières années, est certes positive. Cette impulsion politique de haut niveau est même absolument nécessaire pour faire bouger les lignes administratives et militaires nationales en aval. Cependant, elle doit à un moment avoir des effets concrets. Autrement, elle risque de produire des coquilles vides et de provoquer des déceptions chez les citoyens si les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes provoquées.

Lorsque l’on a essayé par le passé de faire de la défense un marchepied pour l’intégration, les effets ont été mitigés. En matière de défense, pensons entre autres exemples à la brigade franco-allemande. Il faut donc s’assurer que cette dynamique ait une valeur ajoutée en matière de défense plutôt qu’en termes d’intégration politique. Il faut qu’elle serve la protection des intérêts et des citoyens européens et éventuellement la capacité de l’Europe à projeter de la puissance.

Quel est l’impact des décisions prises en termes de défense et sécurité ?

La première nouveauté est le rôle accru de la Commission européenne dans un domaine de la défense qui n’est pourtant pas le sien au départ. Elle y apporte des ressources financières précieuses, ainsi qu’une impulsion politique qui se faisait attendre depuis plusieurs années puisque le couple franco-allemand n’a pas tenu ce rôle de moteur. Elle pousse un agenda politique, met sur la table des propositions, des outils et des instruments à disposition des États-membres, et les force à réagir et à se positionner sur les questions de défense. Au vu de l’inertie structurelle dans ce domaine et de l’absence de progrès réalisés par les Etats européens eux-mêmes, on ne peut que se féliciter du rôle joué par la Commission.

Quel rôle jouent les États-membres et plus particulièrement le fameux couple franco-allemand ?

Le couple franco-allemand revient sur le devant de la scène du fait de la présidence très européenne d’Emmanuel Macron. Si Paris et Berlin parviennent à trouver un compromis politique transversal, allant au-delà des questions de défense, alors ce rôle d’impulsion politique s’ajoutera à celui de la Commission et peut enclencher un cycle vertueux. L’Union européenne se doterait alors d’un double moteur : la Commission et le couple franco-allemand. À partir de là pourront s’agréger les autres États capables et volontaires.

Le travail communautaire effectué par la Commission a fait montre d’une certaine audace. Il restait à savoir si les États européens eux-mêmes allaient se mettre au diapason et s’approprier les outils mis sur la table par Bruxelles. De ce point de vue, le Conseil européen a imprimé une dynamique encourageante. Il a entériné le financement commun des opérations extérieures européennes – réclamée depuis longtemps par la France -, ainsi que la possibilité pour des États volontaires d’avancer sans attendre que tout le monde se mette d’accord.

On s’aperçoit que les chefs d’État européens surfent sur la dynamique, avec une méthode qui n’est pas dissimilaire à celle de la Commission. Ils se sont décidés à activer des processus politiques dans un premier temps et de compter sur la dynamique enclenchée pour résoudre les divergences dans un second temps. Attendre indéfiniment de résoudre toutes les divergences tend à générer un consensus mou qui a produit peu de valeur ajoutée au cours de ces dernières années. Reste que pour résorber les divergences, le compromis franco-allemand demeure nécessaire. À partir du moment où Paris et Berlin, qui ont des centres de gravité différents en Europe, se mettent sur la même longueur d’onde, ils peuvent agréger autour d’eux une masse critique suffisante pour faire avancer l’action européenne.
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