ANALYSES

Grèce : « Rien pour remettre les compteurs à zéro « 

Presse
16 juin 2017
Interview de Rémi Bourgeot - La dépêche
Qu’est-ce qui a conduit la Grèce à cette situation catastrophique ?

La Grèce fait partie de ces pays du Sud de la zone euro qui ont connu un boom dans les années 2000, avec un afflux de capitaux mais dans un cadre qui était incompatible avec l’euro : la Grèce en particulier a connu une inflation plus forte, une importante perte de compétitivité, et un énorme déficit commercial. Avec la crise financière de 2008, la dynamique grecque a complètement déraillé. C’est aussi à ce moment que l’on a découvert que les chiffres du déficit avaient été manipulés. Cela a provoqué une focalisation malsaine des institutions européennes et surtout de l’Allemagne sur la question budgétaire. Lors de cette crise de la zone euro, des mesures d’austérité ont été appliquées à tous les pays sous programme d’aide européenne, privés de la possibilité d’une dévaluation. Mais alors que ces mesures se sont allégées pour ces pays au fur et à mesure qu’ils redémarraient, les choses ont été plus compliquées pour la Grèce, qui souffre d’une faible industrialisation. Cela s’est traduit par une dépression économique : le pays a perdu un quart de son PIB. Au bout du compte, le poids de la dette est encore plus écrasant.

Qu’est que Tsipras a pu faire face à cela ?

L’extrême gauche a été portée au pouvoir par défiance vis-à-vis des anciens dirigeants et de l’UE. Tsipras, avec le référendum sur les conditions du dernier plan de sauvetage, qu’il a gagné, voulait faire pression sur l’Europe, mais il a très vite dû capituler sur la question des mesures d’austérité. C’est à ce moment-là pourtant que l’idée d’un allégement de la dette a commencé à gagner du terrain, notamment au FMI, qui a parfaitement compris qu’une dette d’environ 180 % du PIB n’est pas soutenable. L’accord implicite tournait autour d’un programme d’austérité, mais avec un allégement de la dette grecque plus tard.

Mais Berlin ne veut pas entendre parler de cet allégement… avant les élections fédérales de septembre.

C’est une question encore taboue en Allemagne, qui s’imagine spoliée par l’idée que «l’Allemagne paiera…». Berlin commence à bouger face aux pressions du FMI, pour pouvoir libérer la prochaine tranche d’aide, mais la question de l’allégement est figée jusqu’aux élections du mois de septembre. C’est ainsi qu’est née l’idée d’un accord alambiqué, qui permet au FMI de réintégrer le programme d’aide, sans pour autant contribuer financièrement jusqu’à ce que l’Allemagne bouge… La position de la France, c’est que la Grèce rembourse plus ou moins rapidement en fonction de son niveau de croissance : c’est d’une certaine façon déjà ce qui se passe, mais avec des négociations violentes.

Ce serait un espoir pour la Grèce ?

Cela peut permettre de «lisser» le refinancement de la dette, mais il n’y a pas de véritable projet pour remettre les compteurs à zéro. La Grèce, sauf bouleversement politique, va rester très longtemps sous cette pression.

Recueilli par D. D
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