ANALYSES

« L’Iran respecte le traité mais les Etats-Unis cherchent à avoir un ennemi »

Presse
19 mai 2017
Interview de Thierry Coville - La Croix
L’accord sur le nucléaire iranien est-il respecté depuis son entrée en vigueur en janvier 2016 ?

Tout à fait. L’accord signé par les États-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Iran est respecté par les signataires et régulièrement contrôlé par l’Agence internationale des énergies atomiques (AIEA). Il doit durer dix ans. Le texte proclame que l’Iran se doit d’enrichir de l’uranium à hauteur de 3,5 % maximum. En échange, les sanctions contre le pays ont été levées.

L’Iran a condamné de nouvelles sanctions américaines contre des responsables iraniens, liés au programme de missiles balistiques…

Les Américains sont obligés de prolonger l’allégement des sanctions amorcé sous la présidence de Barack Obama, mais Donald Trump relance dans le même temps la politique traditionnelle américaine, qui considère Israël et l’Arabie saoudite comme les alliés des États-Unis dans la région. Sa stratégie peut se révéler contre-productive pour les intérêts économiques dans la région. L’Iran a aussi été un atout majeur pour les Occidentaux depuis son entrée en guerre contre Daech. L’Europe doit rééquilibrer les choses au Moyen-Orient. Il faut sortir du parti pris et regarder les intérêts de stabilité de la région.

Le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, a estimé que l’accord nucléaire « échouait » à remplir ses objectifs. Pourquoi entend-on des versions différentes sur le respect de l’application de l’accord ?

Ces déclarations sont politiques. Pendant la campagne présidentielle américaine, Donald Trump avait violemment critiqué cet accord, dit qu’il le déchirerait dès son entrée à la Maison-Blanche. Mais les rapports de l’AIEA l’affirment, l’Iran respecte le traité. Même si Rex Tillerson critique le texte, le département d’État américain est obligé d’admettre que l’accord est respecté. La diabolisation de l’Iran reste forte aux États-Unis, qui cherchent à avoir un ennemi. Barack Obama a dû mener une bataille au Congrès pour le faire accepter.

Pourquoi l’accord a-t-il été jugé historique ?

La communauté internationale a réussi à sortir d’une crise grâce à la diplomatie. Depuis la révolution iranienne, c’est le premier traité diplomatique qui associe l’Occident et l’Iran, sous l’égide de l’ONU. La crise du nucléaire empoisonne les relations internationales depuis 2002. Sous George W. Bush, les États-Unis ont souvent menacé d’attaquer l’Iran pour mettre fin à la crise du nucléaire. Israël a fait de même en 2011 et 2012.

Les relations entre les États-Unis et l’Iran risquent-elles de se dégrader sous Donald Trump ?

Le président américain a dit plusieurs fois que l’Iran est l’ennemi des États-Unis. L’affaire du décret migratoire voulu par Donald Trump, censé interdire l’accès aux États-Unis à tous les réfugiés et aux ressortissants de sept pays, dont l’Iran, n’a pas arrangé les choses. La diaspora iranienne est touchée, notamment les étudiants souhaitant partir en Amérique. Cependant, les États-Unis ont aussi des intérêts économiques. Certaines entreprises américaines veulent s’installer en Iran.

L’accord a-t-il aussi permis de relancer l’économie iranienne ?

Les Iraniens pensaient qu’avec cet accord, tous leurs problèmes seraient aussitôt réglés. Ils ont depuis le sentiment que l’application du texte n’a pas donné ce que le gouvernement avait promis. Depuis la levée des sanctions, le pays peut certes exporter son pétrole, et les transactions financières entre l’Iran et le reste du monde sont possibles. Cela a des effets positifs sur l’économie. Mais il est encore difficile de calculer les retombées. Le FMI table toutefois sur une croissance de 8 % en 2016, contre 0 % en 2015. L’inflation, elle, est retombée à 12,6 % en 2016, contre 45,1 % en 2012. Dans le pays, les inégalités sociales subsistent, le chômage élevé touche les jeunes diplômés. Les classes sociales les plus défavorisées ne perçoivent pas le changement.
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