ANALYSES

Sylvie Goulard à la tête du ministère des Armées ou la multiplication des symboles de la nouvelle présidence française

Tribune
22 mai 2017
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Le choix de remplacer Jean-Yves Le Drian – qui rejoint le Quai d’Orsay – par une européiste convaincue à la tête de ce ministère régalien, ainsi que le changement de nom de ce dernier, laissent entrevoir des éléments de compréhension de la politique qu’entend mener Emmanuel Macron en matière de défense. Le nouveau président de la République use de symboles marquants en ce début de quinquennat.

Pour une relance de l’Europe de la défense

Sylvie Goulard hérite donc du portefeuille de la Défense. Il s’agit de la deuxième fois dans l’histoire qu’une femme prend la tête de ce ministère – après Michelle Alliot Marie entre 2002 et 2007.

Juriste de formation, Sylvie Goulard a été élue en 2009 et réélue en 2014 au Parlement européen.  Véritable fer de lance d’Emmanuel Macron sur les questions européennes tout au long de sa campagne présidentielle[1], elle fut auparavant conseillère de Romano Prodi lorsque ce dernier était à la tête de la Commission européenne (2001-2004). Mais la nouvelle ministre des Armées possède aussi une expérience de l’Allemagne. Elle a fait partie de l’équipe de négociateurs français lors de la réunification de l’Allemagne, avant de retourner au service de la prospective du ministère des Affaires étrangères en charge des questions européennes. C’est à ce poste qu’elle noua de nouveaux liens avec ses homologues allemands. Un atout qui a très certainement orienté le choix du nouveau président de la République, soucieux de renouer un lien fort avec l’Allemagne.

Cette nomination vient confirmer l’orientation européenne que veut impulser Emmanuel Macron. Et pour cause, la construction et la consolidation d’une défense européenne est l’une des mesures phare proposée par le nouveau président, objectif défendu durant sa campagne présidentielle. Dans son programme, on peut retrouver ainsi sa volonté d’agir pour une Europe de la défense qu’il qualifie « d’indispensable »[2].

De plus, Emmanuel Macron doit probablement estimer que la France – tout comme les autres États européens désireux d’avancer en la matière – bénéficie d’une fenêtre d’opportunité. L’élection de Donald Trump et le changement de comportement de l’administration américaine sur la scène internationale doit pouvoir permettre à l’Union européenne d’utiliser activement les outils législatifs et institutionnels dont elle dispose pour permettre le développement d’une base de défense européenne solide.

Au cœur de ce projet, le couple franco-allemand, qu’Emmanuel Macron entend mettre au premier plan, pourrait être un élément moteur. Sa première visite officielle extérieure à Berlin pour rencontrer la Chancelière Angela Merkel, au lendemain de son investiture officielle à l’Elysée en est le symbole.

De la « Défense » aux « Armées » : une rhétorique symbolique

Deuxième symbole important dans cette nomination, la rebaptisation du ministère de la Défense en ministère des Armées. Ce changement peut s’interpréter de deux manières différentes, toutes deux complémentaires.

Tout d’abord, de par la Constitution, le président de la République est chef des armées (article 15). Cela peut donc montrer la volonté affichée d’Emmanuel Macron de son rôle prééminant dans la détermination de la politique de défense de la France.

Cela fait aussi référence à l’histoire de ce ministère. En effet, celui-ci a pris dans le passé une seule fois cette dénomination, quand le général de Gaulle fut président de la République de 1958 et 1969. Ce n’est qu’à partir de la présidence de Georges Pompidou que le ministère prendra le nom de ministère de la Défense nationale, même si l’appellation « ministre des Armées » refera brièvement son apparition sous le gouvernement de Pierre Messmer (1972-1974). La dénomination de ministère de la Défense, qui a donc prévalu jusqu’à cette année, sera adoptée à partir de la présidence de Valery Giscard d’Estaing en 1974.

Il s’agit ensuite de redonner un positionnement majeur aux forces armées. Cette nouvelle appellation porte avec elle l’idée que le soldat doit être au cœur des problématiques de défense. D’abord parce que les forces armées françaises sont aujourd’hui pleinement engagées à travers le monde et sur différents théâtres d’opérations : bande sahélo-saharienne, lutte contre Daech en Irak, en Syrie dans le cadre de l’opération Chammal, présence de bâtiments de la Marine nationale sur plusieurs mers du monde, ainsi que sur notre territoire avec l’opération Sentinelle. Ensuite, parce que la condition des militaires est aujourd’hui affectée par cette activité intense ou par les difficultés des familles de soldats à s’adapter à des carrières caractérisées par des mutations fréquentes. À sa manière, le nouveau président souhaite leur montrer que la République veillera à leur condition durant les cinq années qui viennent.

Et cela n’est pas le fruit du hasard si le jour même de son investiture officielle, Emmanuel Macron s’est rendu au chevet de soldats blessés à l’hôpital militaire de Percy à Clamart, après avoir fait la promesse que son premier déplacement irait en direction des forces armées françaises.

Depuis son accession à la tête de l’État, Emmanuel Macron multiplie les gestes symboliques. Reste à voir maintenant comment les signaux forts qui sont donnés – engagement européen, attention accrue au sort des militaires – se traduiront concrètement dans les mois qui viennent.

[1] Sylvie Goulard a rejoint le mouvement En Marche ! en 2016 pour militer aux côtés d’Emmanuel Macron.
[2] Il s’agit de l’objectif n°2 du programme de défense porté par Emmanuel Macron pour la présidentielle 2017, et son mouvement En Marche ! https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/defense
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